Une rumeur se répand dans le microcosme des journalistes en ligne. « On » parle de « nouvelles mesures » visant à redéfinir le cadre législatif de la presse électronique…
Une rumeur se répand dans le microcosme des journalistes en ligne. « On » parle de « nouvelles mesures » visant à redéfinir le cadre législatif de la presse électronique. Entendez par là, les portails d’information qui fleurissent sur le web tunisien. Pour étayer ces propos, certains citent les fameuses « petites phrase » de responsables qui vont dans ce sens. L’agence de presse nationale, la TAP, a ainsi souligné, dans une dépêche datée du 17 novembre l’intérêt de « proposer une définition précise de la presse électronique pouvant constituer un point de départ à l’organisation de ce secteur et permettant de combler le vide législatif sans porter atteinte à la liberté d’expression et de l’édition ».
Jusqu’ici, en Tunisie, comme partout dans le monde, de l’Afrique du Sud au Japon, du Mexique en Allemagne, n’importe qui pouvait toujours publier n’importe quoi sur le web. Blog, site web, ou, pour les plus ambitieux, de véritables portails d’informations qui n’ont rien à envier aux « véritables » journaux. Mieux : certains portails tunisiens sont même devenus des références, des sources d’informations pour les journalistes professionnels en mal d’inspiration.
Certes, la plupart des journalistes en ligne ne disposent pas d’accréditation. Certains y verront un manque de reconnaissance par rapport à leur profession. Il n’empêche. Il ne faudrait pas ignorer (délibérément ?) qu’un bon nombre de journalistes actifs depuis des années dans la presse écrite classique n’ont, eux aussi, pas nécessairement de carte de presse. Par paresse, pour ne pas l’avoir demandée dans les délais, ou simplement parce que le directeur de son journal n’a pas jugé bon d’appuyer leur demande. Les raisons abondent. Autant de cas, pour autant d’explications. Ce qui n’empêche pas les entreprises publiques ou privées d’inviter sans hésiter, les rédacteurs « branchés sur le web » à leurs séminaires, leurs conférences. Avec le temps, la qualité du support finit par s’imposer d’elle-même. La crédibilité une fois assurée après une certaine période de « mise à l’épreuve », les journalistes, même en ligne, et même s’ils ne disposent pas de carte de presse en bonne et due forme, peuvent faire leur travail, en toute conscience. Les pouvoirs publics en sont, du reste, parfaitement conscients, et n’hésitent plus vraiment à les aider dans leur quête de l’information.
Reste donc à assumer ses responsabilités. Et à cet égard, les responsables de tels supports de communication, aussi virtuels soient-ils, sont faciles à identifier. Il peut s’agir de sociétés qui ont pignon sur rue, ou de personnes physiques patentées, également soumises à la loi, la même pour tous. Dans les cas les plus hasardeux, il y a toujours la possibilité de consulter le « Who is », identifiant le propriétaire du site. Au pire, l’hébergeur pourrait être tenu de suspendre le compte du site web indélicat. Certes, avec le Net, il y a toujours la possibilité d’utiliser un serveur localisé à l’étranger.
La loi qui régit les publications est pourtant claire, qu’elles soient sur papier ou sur le Net. La diffusion de fausses informations, de textes, ou d’images à caractère diffamatoires entraîne une sanction. N’importe où dans le monde, la propagande terroriste, les textes incitant à la haine raciale, sont interdits. Leurs auteurs peuvent s’exposer à des punitions, en toute connaissance de cause. Le plagiat, l’usurpation d’identité, sont autant d’actes contrevenant au droit d’auteur, et par là même, répréhensibles. C’est déjà valable pour la musique, la littérature, le cinéma, bref pour quasiment toutes les activités créatives de l’humanité. Certes, selon les cas, l’identification de l’auteur ne sera pas toujours aisée. Mais cela, n’est pas propre au net. Et à ce niveau, le cadre législatif propre à l’internet, n’apportera pas nécessairement que des solutions. Pis : il risque d’écorner (involontairement) une image de marque que nous mettons tant d’énergie et de moyens à faire briller au niveau international.
A noter aussi que plusieurs institutions régissent (ou agissent sur) le net tunisiens : l’ATI, l’ANCE… sans même parler des ministères concernés et de nos services des télécoms. Mieux : le net tunisien est plutôt bien « sécurisé ». Et à ce niveau, la Tunisie est aux toutes premières places au niveau continental, avec l’Afrique du Sud. Le savoir-faire de nos techniciens en sécurité informatique est reconnu.
Une question se pose donc avec acuité: à quoi le « cadre législatif » servirait-il précisément ? Et que désirent ceux qui le souhaitent publiquement ou à mots voilés ? L’affaire est assez importante pour mériter un débat ouvert au grand public, et non réservé aux seuls initiés.
Mohamed Fateh