Karkadan, rappeur tunisien évoluant en Italie, fait pleuvoir des tonnes de commentaires sur facebook. Son album sera édité par Universal, tout comme le défunt Michael Jackson ou Eminem. Un fabuleux destin pour un Tunzi Fi Shlekka !
Imaginez un rappeur barbu, d’origine musulmane ! Ajoutez à ce portrait une attitude de «gangsta» pour un immigré tunisien en Italie, depuis 2003. Mais les titres de ces morceaux ne s’intituleront pas « Tunisian man in Milano » (en référence au morceau culte de Sting, « Englishman in New York », NDLR) ou « Stranger in Rome » (en référence au morceau culte de Michael Jackson, « Stranger In Moscow », NDLR). Non, loin de ça. Sa mixtape s’intitule « Tunzi fi shlekka ». Bienvenue dans l’univers de Karkadan !
Médiocrité et incohérence
Dans un vocabulaire trash, banal et souvent dérisoire, Karkadan scande des paroles vulgaires et violentes en arabe dialectal tunisien. Certains diront que la nature même du rap fait que sa prose est plutôt violente. Des groupes américains tels que les « Public Ennemy » au français de «Suprême NTM» se sont exprimés dans un langage cru. Commençant par l’exposition de faits et réalités, pour arriver à une analyse fondée sur un mental urbain agressé. Mais Karkadan, reste dans l’insolite, dans des chroniques qui évoquent son vécu. Dans une approche ne s’exprimant pas à travers un rap écrit autour d’un thème social ou autre mais dans un style plutôt Ego Trip, style de rap où le rappeur met en valeur son importance et ses qualités.
Karkadan se présente presque comme une caricature d’un rappeur tunisien happé par la schizophrénie ambiante. Tiraillé entre sa communauté d’origine et la société de son pays d’accueil.
Mélangeant les genres, alternant discours religieux, conquêtes sexuelles et banditisme. Le style dirty de Karkadan multiplie les contradictions, et les incohérences. N’empêche qu’outre mer, il est pris au sérieux. Il est soutenu par de grosses prods, ses clips sont tournés dans des conditions à la pointe du professionnalisme et sa musique est plutôt bien faite.
Tunzi Fi Shlekka
Avec «Ali Bom» ou «Cool Yoom» dans un univers hard core, «El Jazira» aux percussions de la darbouka ou encore «Iss Me» dont la musique est fraichement issue de la new school du hip hop, Karkadan rappe sur une musique diversifiée et bourrée de références. Le rhinocéros tunisien s’est imposé sur la scène milanaise au sein du crew «CTZ City» et en solo avec le street album “Rap Fi Still Arab” en 2005 et la mixtape “Tunzi Fi Shlekka Mixtape” en 2008. Et voici que le premier album studio de Karkadan, «Karkadance», sera édité par… Universal en automne ! Le Tunzi fi shleka aura donc le même producteur que des stars mondiales comme Eminem pour rester dans le rap, ou même… le défunt Michael Jackson ! La shleka s’est révélée en fait une botte des sept lieues.
Le premier single issu de cet album, «Discothèque», est déjà de sortie. Malgré le niveau médiocre de ses paroles, Karkadan est arrivé à attirer l’attention d’un géant de l’industrie du disque. C’est dire que notre rhinocéros attire l’attention. C’est le moins que l’on puisse dire. Un destin fabuleux pour un Tunisien fi ettalyann (en Italie). Un représentant d’une minorité qui ne squatte pas vraiment les quartiers huppés de Rome ou de Milan. Là-bas, nos compatriotes sont donc théoriquement, l’équivalent des afro-américains aux USA et des Maghrébins et Africains en France. Les communautés les plus représentées dans le milieu du rap dans ces pays. La réussite du Karkadan dans le milieu hip hop apparaît, dès lors, un peu moins surprenante.
Mieux : la barbe et les tatouages renforcent le côté agressif et insolite du personnage. Confirmant les stéréotypes, et même surfant sur la vague déferlante des préjugés. Et après tout, pour vendre, la provocation ça paye. Et au final, pour les maisons de disque la valeur artistique importe moins que l’image de marque. Ce qui compte le plus pour les producteurs c’est la rythmique et un look ravageur (à prendre ici au premier degré).Et tant mieux si ça alimente une polémique, et colle des clichés peu flatteurs sur le dos d’une communauté. L’essentiel étant de vendre. Et visiblement une barbe peu avenante cernant une tête d’Arabe, ça fait vendre en Europe !
Thameur Mekki
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