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Tunisie : Quand le téléphone tue

Selon une sociologue, le téléphone portable est devenu un objet de discrimination. Pour d’autres, il est carrément mortel. Parce que le téléphone portable est aussi le mobile de crimes aussi crapuleux que sanglants…

Selon une sociologue, le téléphone portable est
devenu un objet de discrimination. Pour d’autres, il est carrément mortel. Parce
que le téléphone portable est aussi le mobile de crimes aussi crapuleux que
sanglants.

Depuis son apparition en Tunisie, le téléphone portable a pour ainsi dire, métamorphosé notre vie quotidienne. Avec le temps, il est même devenu un véritable phénomène de société. Ce petit appareil révolutionnaire est devenu quasiment indispensable, voire primordial pour certains d’entre nous. Seulement, comme toute bonne chose, il y a toujours le revers de la médaille.


Catherine Lejealle, une sociologue française qui a particulièrement étudié le téléphone portable en tant que phénomène social, l’énonce clairement : « Jamais une invention a eu une ascension aussi fulgurante. Que ce soit le chemin de fer, la télévision ou même Internet, le portable a battu des records ». Et quand on a assisté au boom des télécommunications en Tunisie, avec la multiplication des offres, les nouveaux appareils qui drainent les foules, dans notre pays, on ne peut qu’adhérer à ces propos. Dans une interview accordée au quotidien français « Libération » (édition du 13 mai voir


ici
), la sociologue enfonce le clou : «Ne pas avoir de mobile est devenu une discrimination» dit-elle.

Le rapport qu’entretiennent certaines personnes avec leur téléphone est assez particulier. Ne pas disposer de l’un de ces appareils pourrait, dès lors, causer une grande frustration chez quelques individus, qui pourraient se sentir éloigné de la vie sociale, voire même marginalisé.

En bon méditerranéen, le Tunisien est frimeur dans l’âme. Ainsi, le téléphone portable a été rapidement recyclé, pour se transformer en faire valoir. Un gadget servant à gonfler les egos en mal de reconnaissance sociale. On s’affiche ainsi avec des appareils derniers cri dont le prix dépasse parfois l’entendement. Des téléphones qui valent souvent plus du quadruple du salaire mensuel d’un smigard. Une chose est sûre : cet objet a fini par attiser les convoitises.

La sociologue française précise : « Quand on pose la question ‘’préférez-vous perdre votre portefeuille ou votre portable?’’ La grande majorité répond le portefeuille ». A cette question dont la réponse est a priori évidente, une réflexion type a retenu l’attention de la chercheuse «Parce que si je perds mon portable, je suis mort». Des propos lourds de sens, recueillis et soulignés par la sociologue. Des paroles qui prennent même une dimension inquiétante.

Le mobile du crime

En Tunisie, les pages des faits divers de nos journaux font désormais état d’agression dont le téléphone mobile est justement le mobile. Dans certains cas, les altercations et braquages ont même dégénéré en meurtre. Le mobile serait-il devenu mortel ?

Les personnes se promenant seules, ou téléphonant en pleine rue dans un coin plus ou moins isolé sont devenues les cibles privilégiées des petits délinquants. Les plus audacieux d’entre eux n’hésitent même plus à opérer en plein jour. Le téléphone mobile a donc apporté, pour certains son lot de malheur.


Nos confrères du Temps, rappellent ainsi que la ville de la Goulette a récemment été le théâtre d’un drame. Une bande de jeunes ont attaqués un jeune homme de vingt deux ans qui a reçu plusieurs coups de couteaux. Ce dernier est décédé quelque temps après à l’hôpital…à cause de son téléphone portable. Un fait similaire s’est produit dans la ville de Gafsa, où un jeune homme de vingt sept ans, sans aucun problème, connu pour sa bonne humeur et son tempérament jovial, a perdu la vie. En rentrant chez lui, il a été poursuivi par deux individus qui lui ont asséné plusieurs coups de couteaux mortels dans le dos. L’affaire était une fois de plus liée au cellulaire…
Un père de famille, du côté de Ben Arous, après avoir malencontreusement croisé la route de trois énergumènes, a été rué de coup de barres de fer qui l’ont laissé sans vie, gisant dans une mare de sang… On lui a pris son téléphone mobile. Et ce ne sont là que quelques exemples d’histoires macabres liées à la convoitise malsaine que suscite ce petit bijou de la technologie… empoisonnée.

Et dire qu’il y a à peine une dizaine d’années, le mobile était encore complètement inconnu… Sa médiatisation à outrance, et même sa banalisation a fini par générer aussi de la frustration au sein des couches sociales les plus défavorisées. Se promener avec certains portables sur soi, est devenu aussi dangereux que de se balader avec un lingot d’or. Et vu le prix des smartphones, en Tunisie, la comparaison n’est pas exagérée !

Samy Ben Naceur

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