Adel Abid, Président de la Fédération Tunisienne des Cinéastes Amateurs (FTCA) est chargé de la direction du FIFAK 2009.
Adel Abid, Président de la Fédération Tunisienne des Cinéastes Amateurs (FTCA) est chargé de la direction du FIFAK 2009. Même avec l’accessibilité de l’outil numérique, le cinéma amateur a de la peine à suivre. Adel Abid nous en parle. Rencontre.
– Tekiano La FTCA a produit 23 films cette année. Rien que 11 films ont été admis contrairement à vos attentes (15 seront admis lors de la conférence de presse). Y’a-t-il un problème de qualité ?
– Adel Abid : C’est un tout ! Il y a beaucoup de mauvaises habitudes dans les courts métrages amateur. Par exemple, lors de l’une des sessions écoulées, un de nos invités étrangers a fait une remarque pertinente : « il n’y a que des films à demi manche !» (Faisant allusion à la majorité écrasante des films tournés en été, NDLR). Ainsi, se manifeste le fait que la plupart des cinéastes amateurs, qu’ils soient membres de la FTCA ou indépendants sont des étudiants. Conséquence directe : leurs films sont tournés un mois avant le festival (après la rupture des cours, NDLR). Il y a aussi un problème de support. Il n’ya pas de conscience par rapport à l’usage du numérique alors que c’est ce qu’on qualifie d’ «insaisissable facilité».Il suffit d’avoir une caméra et un ordinateur assez puissant pour faire un film amateur.
– Qu’entendez-vous par « conscience dans l’usage du support numérique » ?
– Contrairement à la perception de certains, le numérique, n’implique pas seulement un traitement technique différent. C’est un support différent. Par conséquent, il exige un autre traitement, une autre exposition et une autre profondeur. Ce n’est pas de l’argentique ou de la pellicule. Quand le dispositif change l’approche filmique doit aussi changer. Ce n’est d’ailleurs pas un problème propre à la Tunisie, partout dans les pays du sud, on n’arrive pas à y échapper. Avant même de digérer une technologie, une autre apparaît ce qui fait qu’on se retrouve à consommer à un rythme accéléré. Au final, l’esprit de la consommation règne sur la créativité.
– Il y a presque un an et demi que Tunisiana a organisé le Festival du Très Très Court. Pourquoi ne pas entamez une expérience du film web ou des très courts avec des supports plus accessibles ?
– Avant ceci, nous avons consacré, depuis 2000, de l’importance à ce phénomène par le biais du «film minute». Malheureusement, l’expérience n’a pas eu de succès. Les réalisateurs ont banalisé l’usage de l’anecdote et la chute était, en général, basée sur l’humour. Le traitement, la conception et l’écriture n’étaient pas adéquats au support proposé. Il y a un problème de conscience des exigences du support. Par exemple, dans « Dancer in The Dark » (2000), le réalisateur Lars Von Trier a tourné la séquence de la danse avec une Mini DV de l’époque et a su intégrer ces images avec beaucoup de subtilité dans un film pellicule. Tunisiana est aussi dans une approche commerciale, c’est le volet marketing qui compte pour eux. Quant à nous à la FTCA, «le film minute» est un chantier de formation expérimentale. Ça nécessite une éventuelle stratégie de production, plus de réflexion et surtout, de la maturité.
– Un problème de moyens ?
– La production se fait dans des conditions très difficiles à cause du manque de moyens. A la FTCA par exemple, au lieu de laisser un réalisateur tourner son film en 4 jours, il est tenu à le finir en 2 jours pour céder le matos à un autre, pour que tout le monde puisse avoir sa chance et travailler. Je tiens à préciser que même si cette année le rapport qualité-quantité régresse, quelques films sont d’une qualité vraiment satisfaisante.
– Quel est le matériel dont vous disposez à la FTCA ?
– Nous disposons d’une caméra PD 170 depuis un an, une PD 150 et une VX 2000 qu’on a acheté d’occasion depuis 5ans et d’une DV CAM qu’on a acquise en 1999. Nous avons également 2 unités de montage dont l’une est en mauvais état, un kit lumière et un mixeur.
– Pour qu’un cinéaste amateur membre de la FTCA ait droit à l’aide de la FTCA, que doit-il faire ?
Il présente un dossier pour son projet, constitué d’un scénario, d’un aperçu biographique, d’une note d’intention et de motivation, de la présentation de l’équipe proposée et la durée demandée pour le tournage.
– Vous n’avez pas un partenariat avec une boite de production audiovisuelle qui vous apporte de l’aide ?
– C’est très rare ! Certains le font en nous accordant des prix spéciaux. Nous essayons d’avoir de l’aide en présentant chaque année les films participants au FIFAK à la commission d’achat des produits au département du cinéma au Ministère de la Culture.
– Quels sont les défis actuels de la FTCA ?
– Tout d’abord, il faut clarifier quelques notions : on ne doit plus prendre le cinéma amateur au sens péjoratif. Le cinéma amateur est un point de vue, un aspect technique à ne pas négliger et une manière de voir et de faire. N’oublions pas aussi que c’est une appartenance. La spécificité du cinéma amateur réside dans sa différence et sa manière de faire : il n’y a pas de soucis du métier. Il s’agit plus d’une profession. Il n’y a pas le souci du processus de production et du parcours. En plus, dans le cinéma amateur, on se permet d’oser sans avoir peur. On n’a rien à y perdre, tout à y gagner.
Propos recueillis par Thameur Mekki