Tunisie : Sexe, du théâtre au cinéma

De retour sur scène, «Hobb Story…ouvrir par ici» est loin d’être périmé. Si le sexe est théoriquement tabou dans le monde arabe, il squatte depuis longtemps la scène théâtrale et le grand écran.

«Il suffit de s’attabler à une terrasse de café, ou boire un verre dans une boite de nuit, de Tunis, d’Alger, ou de Beyrouth, pour mesurer le fossé entre la manière dont la société veut se montrer et se raconter et les pratiques réelles de ses individus» déclare Lotfi Achour, metteur en scène de Hobb Story. Si la sexualité des nôtres demeure un tabou pour nos médias, l’art arrive à le briser avec brio. C’est le cas de «Hobb Story…ouvrir par ici», une fiction documentaire et théâtrale qui sera jeudi 15, vendredi 16 et samedi 17 octobre à 19h30 et dimanche 18 octobre à 18h, au Théâtre «4ème Art», du côté de l’avenue de Paris au centre ville de Tunis.

Théâtrale libido

Une pièce interprétée par Chekra Rammah, Anissa Daoud, Moez Toumi, Jawhar Basti et Faten Riahi. La dramaturgie est signée par Lotfi Achour et Anissa Daoud. Dans Hobb Story, se mêlent drames et parodies, théâtre, cinéma documentaire et musique. Entre zapping télé et cours d’éducation sexuelle, les contradictions révélées par l’intimité des individus s’exhibent. Il s’agit d’une fiction qui s’inspire, selon ses auteurs, des comptes rendus de crimes passionnels, d‘extraits de livres de «développement personnel» à l’Orientale et même des écrits des bloggeurs. Il parait même que certains d’entre eux incarnent, quelque part, la sensualité de leurs ancêtres poètes arabes. Ainsi, les créateurs de Hobb Story cherchent à tracer les contours de ce qui pourrait être le «nouveau discours amoureux» dans le monde arabo-musulman.

Mais ce n’est pas la première fois que Lotfi Achour évoque la sexualité durant son parcours théâtral. Il a déjà assuré la mise en scène de la pièce de théâtre Ichkabad en 1998, sur un texte co-écrit par Taoufik Jebali et Rajaa Farhat. Depuis, Ichkabad est devenue une saga à travers une deuxième version revue en 2008 par Ghazi Zaghbani et intitulé Ichkabad 1 et une troisième version intitulée Ichkabad 2
mise en scène par Khawla Hadef. Même si les traits conceptuels sont globalement similaires, chacune des trois versions a su garder ses spécificités et sa propre vision.

Feu vert pour carré rouge

Au-delà de la scène théâtrale, plusieurs productions cinématographiques tunisiennes ont évoqué la sexualité dans notre société. Et ça fait belle lurette que la sexualité n’est plus taboue sur le grand écran tunisien. En 1986, déjà, Nouri Bouzid a évoqué la pédophilie dans «L’Homme de Cendre». Bouzid a abordé la prostitution masculine dans «Bezness» en 1992. Plus récemment, il est important de mentionner «Khochkhach» (Fleur d’oubli) de Salma Baccar présentant des personnages homosexuels ou «La Tendresse du Loup» de Jilani Saadi évoquant la prostitution et affichant même une scène de viol. Quelques films de Boughedir comme «Halfaouine, l’enfant des terrasses» en 1990 ou «Un été à la Goulette» en 1996, ont ainsi titillé l’intérêt du spectateur sous sa ceinture. Des scènes de nudité qui paraissent dans certains cas complètement parachutées. Mais pourquoi donc en intégrer quasi-systématiquement dans notre cinéma ?

 

 

Ce sont parfois des choix stratégiques des co-producteurs européens des films tunisiens. Le regard étranger veut imposer des scènes de nudité pour renforcer l’exotisme. Un grand producteur tunisien regrettera même ce passage obligé, imposé par les partenaires venus d’ailleurs, pour booster les ventes aux guichets et au niveau de la distribution européenne. Si l’art a pour vocation de faire bouger les sociétés en brisant les idoles et les tabous, il faudra tout de même éviter qu’il ne verse dans la facilité, et dans le racolage, pour quelques spectateurs de plus.

Thameur Mekki

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