Tunisie : Lotfi animé, contre Ryeh et marées

Lotfi Mahfoudh met en scène dans ses vidéos d’animation un cheikh du golfe arabe, une danseuse de ventre égyptienne ou un Libyen entouré de filles de joie tunisiennes. C’est que le cinéma d’animation n’est pas réservé aux enfants !

«Avec la succès de «2050», l’animation commence à trouver de la place dans le paysage télévisuel tunisien. C’est très positif vu que les gens croient à tort que l’animation est un produit audiovisuel qui n’intéresse que les enfants» lance Lotfi Mahfoudh, cinéaste spécialisé en animation. «Ça peut éventuellement pousser les sponsors à une certaine ouverture sur l’animation comme genre audiovisuel» ajoute-t-il. Diplômé de l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs (ENSAD, France), Lotfi a travaillé sur deux courts métrages, «Eau de rose» d’Arthur de Pins et sur un film de Gaëlle Denis «Fish never sleep», winner du British Award du meilleur court métrage d’animation. Il a réalisé, comme projet de fin d’étude, en 2001, un court métrage d’animation intitulé «Les Noces du Loup».

Bon vent !

«De retour à Tunis, je pensais qu’on pouvait faire de l’animation où que l’on soit et je voulais créer mon propre studio ici. Dans un contexte où les gens ne sont pas habitués au cinéma d’animation, je me suis retrouvé à travailler, au début, sur des pubs» raconte Lotfi Mahfoudh. A travers son expérience dans la pub, Lotfi a contribué à y mettre un souffle novateur à travers l’activité de sa propre boite, «1001 images». On cite, à titre d’exemple, le personnage bleu protagoniste de la pub de Danino. «Les annonceurs ont souvent tendance à exiger des prestataires de courts délais de création. Et ils ont du mal à réaliser que l’animation ne cible pas uniquement le public des enfants» souligne ce cinéaste en mal de financement pour l’exercice de sa passion. «Ryeh», ainsi s’intitule le court métrage réalisé par Lotfi Mahfoudh en 2008. L’histoire de ce film se déroule sur un chantier où l’ingénieur Séïf, privée très tôt de la présence d’un père, se souvient de son enfance. Séif évoque sa découverte des mouvements et de la puissance des vents, ses joies et ses peines. Il dirige, en même temps, l’installation de l’immense champ d’éoliennes qui éclairera son village natal et toute la région.

Sexy story board

Jawhar Basti, Chekra Rammeh, Fatma Ben Saidane et d’autres comédiens tunisiens ont prêté leurs voix aux personnages de «Ryeh». Mais c’est une autre rencontre entre Jawhar Basti et Lotfi Mahfoudh qui fera naitre un projet différent. Celui des vidéos de promo de «Hobb Story» qui circule sur le web notamment Facebook depuis juillet dernier. L’idée est née durant le tournage du film «Thalathun» de Fadhel Jaziri. Lotfi y travaillait comme story boarder alors que Jawhar Basti et Anissa Daoud jouaient dans ce film. «Les thèmes des 4 vidéos ont été choisi avec Anissa Daoud et Lotfi Achour. Après j’ai fait un story board et l’ensemble a été validé par Lotfi Achour» nous confie ce dessinateur passionné. Pour la création de ces vidéos, Lotfi Mahfoudh a fait usage d’Adobe Flash et d’Adobe After Effect. En continuité avec la pièce «Hobb Story», ces vidéos d’animation évoquent la sexualité au monde arabe. Elles mettent ainsi en scène tout à tour un cheikh du golfe arabe, une danseuse de ventre égyptienne ou un libyen entouré de filles de joie tunisiennes. Les sociétés arabes y sont exposées dans la nudité de leur réalité, avec un humour décapant. Une expérience de plus, témoignant pas uniquement de la créativité de Lotfi Mahfoudh mais aussi de la richesse de son background. Il tire ainsi son inspiration des plus grands. Il avoue : «j’aime beaucoup ce que font les japonais. Et je ne parle pas nécessairement des mangas. J’admire les travaux de Hayao Miyazaki. Son film «Le Voyage de Chihiro» m’a beaucoup marqué. J’aime bien aussi l’univers de Bill Plympton».

Après notre rencontre avec Lotfi Mahfoudh, on a quitté les locaux de sa boite, «1001 images», en laissant derrière nous un atelier en plein chantier artistique. Fresques, cinéma d’animation et pubs ne sont que les premières étincelles en attendant que son nouveau projet de série télé nourrisse la flamme de l’art de l’animation tunisienne.

Thameur Mekki

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