Hafedh Khediri exporte ces graffitis des undergrounds de la banlieue sud de Tunis aux toiles de la galerie dArtyshow, dans les quartiers huppés de la capitale. Le duo Jaye Nilko rapplique en backup. Objectif : Faire hurler les murs de Tunisie !
«Evasion urbaine», ainsi sintitule lexposition de Hafedh Khediri tenue depuis samedi 24 octobre et jusquau jeudi 05 novembre, à la galerie Artyshow du côté de la Marsa, dans la banlieue nord huppée de Tunis. Cette première expo de graffiti en Tunisie est signée (ou plutôt taguée) Hafedh Khediri alias SK One. «Pour cette expo, jai essayé beaucoup de trucs nouveaux que je nutilisais pas avant, comme le mixage des techniques, par exemple. Ce nest pas forcément de la bombe, j’ai utilisé de l’acrylique, du surfaçaire» nous confie Hafedh. Et avec SK One, le rythme rageur du rap éclabousse la toile. «Je m’inspire de la musique que j’écoute. Cest du hip hop la plupart du temps, de lOld School comme KRS One qui a soutenu le mouvement graffiti dès le début. Jécoute aussi 2Pac, Booba, Dr Dre et beaucoup dautres».
«Murs blancs, peuple muet» dit le slogan. Et certes, les murs de Tunisie nont pas lhabitude de sexprimer. Les graffitis restent, somme toute, assez rares, même du côté de nos chaudes banlieues. Même si des groupes de graffeurs, et parmi eux SK One, ont voulu faire parler les murs du côté de la ligne du train de la banlieue sud de Tunis. Les vieux murs blancs ont fini par hurler !
Dans cette évasion urbaine, Hafedh Khediri était accompagné par deux graffeurs de renom, souvent actifs de lautre côté de la Méditerranée. Il sagit du duo Jaye Nilko. «Cest la première expo dun graffeur en Tunisie et cest important dêtre à ses côtés, pour lui apporter notre soutien» déclare Jaye, graffeur dorigine tunisienne.
Mal munis, mal menés !
Il sagit, à notre connaissance, de la première expo consacrée à un graffeur tunisien. Et si on a dû attendre aussi longtemps, cest que cet art doit rencontrer de sacrés obstacles sous le ciel de Tunisie. Un mur, diront les mauvaises langues, le comble pour des graffeurs ! Hafedh le dit sans ambages : «On manque de matériel. Les bombes de bonne qualité ne sont pas disponibles. Les produits sur le marché en Tunisie sont chers. En plus, il ny a que les couleurs de base. On na pas beaucoup de choix». Selon lartiste cest au-delà dune question de matos. «Toute la culture hip hop est en manque d’évolution. Cest ça le problème ! Cest pour ça qu’on a pensé à faire cette expo
pour changer le regard sur le graffiti».
Mais Jaye et Nilko ne sont pas tout à fait de cet avis. «En Tunisie, il y a une scène metal très forte, une très forte scène electro et une très forte scène hip hop. Les gens lient souvent le graffiti au hip hop. Cest une fausse idée. En Europe, il y a beaucoup de graffeurs punk et electro» explique Jaye. «Cest vrai que le graffiti a eu beaucoup de visibilité avec lévolution de la culture hip hop. Mais ça ne veut pas dire que cest lune des composantes types de cette culture. Le graffiti est une entité artistique à part entière» martèle Nilko.
Clash avec Whiteman
Versé dans cette évasion urbaine, on ne tarde pas à croiser Mister WhiteMan sur les toiles de Jaye Nilko. Cest un petit personnage aigri par la couleur et la vie. Pour lui, la ville parfaite serait toute blanche. Ses ennemis jurés sont Jaye et Nilko, et leurs maudites couleurs qu’il veut exterminer à tout prix. Lorigine de cette idée ? « Une bouteille de vodka» répond Jaye. Nilko éclate de rire et ajoute : «On réfléchissait à un concept, on voulait partir vers un personnage original et récurrent dans nos toiles. Au bout dun certain moment, on a choisi de prendre le contrepied. Comme on travaille avec beaucoup de couleurs, on a décidé de nous lancer dans une confrontation avec Whiteman, ce personnage qui naime pas du tout les couleurs.».
«Ils aiment l’idée de «graffiti toonsi» comme tu l’a peut-être remarqué» dit Hafedh au sujet de Jaye Nilko. Effectivement, on la remarqué et ça saute aux yeux rien quavec une toile ou le «graffiti toonsi» sinvite sur les murs du quartier de Sidi Bou Said. Une démarche hors norme pour renoncer au cliché du café des délices. Et laisser la rue imposer son règne.
Thameur Mekki
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