En Tunisie, le logiciel libre a du mal à percer, même sil nest plus une lubie de geeks en mal doriginalité. Alors que la National Security Agency américaine a participé à un projet Linux pour disposer dun système sécurisé.
Le logiciel libre a été une fois de plus au centre de lactualité technologique tunisienne. Un séminaire lui a été consacré mardi 15 décembre 2009. Un événement qui a visé «à encourager l’utilisation et la promotion des logiciels libres dans les différents secteurs». On notera que la Tunisie senorgueillit à juste titre, davoir intégré officiellement le logiciel libre parmi les attributions dun secrétariat dEtat.
Mais malgré les campagnes de sensibilisation, lopen source est resté cantonné, en Tunisie, dans la sphère des spécialistes. Quelques institutions comme la STEG, la CNRPS, utilisent en effet des logiciels très pointus, en loccurrence des systèmes dinformations basés sur lOpen Source. Mais les fonctionnaires lambda dans nos ministères, les secrétaires, les professeurs dans leurs salles de classes restent, au niveau informatique, dépendant du bon vouloir dune multinationale. Ainsi, nos élèves, nos étudiants, sont formés sur des ordinateurs munis de systèmes dexploitation et de logiciels propriétaires.
7,8 millions de dinars pour Microsoft
Et cest lEtat qui paye la facture. Selon un article publié dans webmanagercenter.com, pour la seule année 2009, la Tunisie devra verser 7,8 millions de dinars à Microsoft, dont 2,4 millions pour le compte du ministère de lEnseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de la Technologie, et 852 000 dinars pour celui du ministère de lEducation et de la Formation. Or la dépendance, fût-elle informatique, présente aussi certains risques.
En 2002, un sénateur péruvien prenait position sur la question dans une lettre adressée à la direction générale de Microsoft Pérou. «Pour garantir la pérennité des données publiques, il est indispensable que l’utilisation et le maintien du logiciel ne dépendent pas de la bonne volonté des fournisseurs, ni des conditions de monopole imposées par ceux-ci. Pour cela l’État a besoin de systèmes dont l’évolution puisse être garantie par la disponibilité du code source». La lettre a fait depuis, le tour du monde. Et apparemment, certains pays en tirent même des leçons.
En France, par exemple, ce sont des logiciels libres qui gèrent le courrier du ministère de lintérieur depuis lannée 2004. Larmée française vient même de mettre la main à la pâte virtuelle du logiciel de messagerie Thunderbird, qui intègrera désormais des nouveautés gauloises. Même lultra secrète National Security Agencyaméricaine a participé à un projet Linux pour disposer dun système dexploitation vraiment sécurisé.
Logiciels casse-bonbons ?
En Tunisie pourtant, le libre a du mal à percer. Même si dans notre pays, il nest plus vraiment une lubie dinformaticiens, ou de geeks en mal doriginalité. Fer de lance du libre, le logiciel Firefox est le navigateur préféré des internautes tunisiens. Le lecteur VLC est lun des logiciels de lecture multimédia les plus populaires en Tunisie. Il suffit de se rendre dans lune de ces nombreuses boutiques de gravure de DVD pour sen rendre compte. Un choix spontané, révélateur dune nouvelle réalité : le libre gagne du terrain et marque des points auprès du grand-public.
Il y a quelques jours, votre serviteur recevait gratuitement par voie postale, la dernière version dUbuntu (9.10) sur un CD avec une jolie pochette orange en prime. Avec dessus, linjonction imprimée de faire circuler, prêter le CD, et même de linstaller tous azimuts. En toute gratuité mais dans la légalité absolue. Certes, il est possible de télécharger cette distribution de Linux. Mais le CD a ici valeur de symbole.
Et pour rester dans la parabole on citera Richard Stallman. Le fondateur du projet GNU, lun des gourous du mouvement des logiciels libres relevait lors d’une conférence: «Plusieurs sentiments cohabitent dans la nature humaine : il y a les bonnes volontés et les mauvaises volontés. Pour avoir une bonne société, il faut prendre des mesures pour encourager la bonne volonté. Quand j’allais à l’école, quand j’étais très petit, l’institutrice disait toujours : il faut partager ses bonbons! Maintenant, le gouvernement des États-Unis propose que les institutrices disent : Oh non ! ne partage pas ! Partager c’est la piraterie ! Il ne faut jamais partager avec les autres enfants ! . Le public a alors rétorqué «dans le logiciel libre on peut garder son bonbon et le donner à la fois». Le problème ? Cest que dautres peuvent choisir délibérément de nous casser les bonbons en question.
Oualid Chine
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