Son projet a été présenté dans des universités aussi prestigieuses que Berkeley, Stanford, Oxford. Avec des acteurs du calibre de Karim Chine, on assistera peut-être, à l’émergence d’une véritable industrie logicielle en Tunisie. Et ce ne sont pas des projets dans les nuages !
Son projet a été présenté dans des universités aussi prestigieuses que Berkeley, Stanford, Oxford. Avec des acteurs du calibre de Karim Chine, on assistera peut-être, à lémergence dune véritable industrie logicielle en Tunisie. Et ce ne sont pas des projets dans les nuages !
Tekiano : Parlez-nous un peu de votre parcours
Karim Chine : Jai été reçu à lécole Polytechnique de Paris, après une licence en physique fondamentale à la faculté des sciences de Tunis. Je suis le premier Tunisien à intégrer l’X par la voie de son nouveau concours international. Jai ensuite intégré lécole supérieure des télécommunications de Paris. Durant cette période, jai eu lopportunité de réaliser beaucoup darchitecture informatique (middleware), et de sécurité. J’ai travaillé dans l’industrie à Paris pendant 5 ans et je me suis installé ensuite à Cambridge pour travailler à l’institut Européen de Bioinformatique. C’est là que j’ai commencé à créer certaines des briques de bases de ce qui allait devenir la plateforme Biocep-R pour le calcul scientifique et statistique.
Citez-nous les étapes les plus importantes de votre expérience professionnelle
Jai acquis pas mal dexpérience au sein dentreprises comme IBM France dans le cadre du stage de fin détude de télécom, où encore Schlumberger, iLog, air France… Chez Schlumberger par exemple, qui était à lépoque le leader mondial dans la fabrication des cartes à puce (carte Sim, cartes bancaires ) je suis passé de la division « serveur » à celle de la « personnalisation ». Jai fait mes premières armes quant à lutilisabilité des logiciels, la création de prototypes darchitecture avancée chez iLog.
Quelle est votre approche concernant lOpen Source ?
Je ne suis pas un intégriste de lOpen Source. Seule compte à mes yeux ladéquation dune solution technologique à un problème réel et clairement défini. Jai contribué à plus de 100.000 lignes de code à lOSS, jutilise extensivement le logiciel libre et le promeut mais cela ne mempêche pas dêtre un utilisateur satisfait de Windows. Mais la science a besoin de mettre à lépreuve ses outils. Et il nest pas acceptable que la recherche scientifique passe par des boîtes noires, des logiciels dont on ne connaît ni le contenu, ni les détails.
Parlez nous de votre plateforme Biocep-R
Je pense que la combinaison du Cloud Computing (qui a pu exister grâce aux technologies de virtualisations) avec des environnements libres tels que R et dautres va ouvrir des horizons nouveaux à la fois pour la recherche, lenseignement. Tout est prêt pour lémergence dun nouvel écosystème où tout sera facilité : laccès à linfrastructure, à loutil, à la donnée, le partage et la collaboration, la traçabilité et reproductibilité, etc Biocep-R vise à accélérer lémergence de cet écosystème et à montrer les vertus dune telle convergence en mettant à disposition de tous (ici et maintenant) un ensemble doutils dont un bon nombre ne nécessite quun simple navigateur et peut être utilisé même à partir dun iPhone.
Le projet suscite beaucoup dintérêt aussi bien dans le monde académique que dans lindustrie. Je lai présenté lors de conférences internationales et jai donné des séminaires dans certaines des universités les plus prestigieuses au monde (Berkeley, Stanford, Oxford, UCL, Imperial College, ..).
Des responsables de luniversité de San Diego en Californie où se trouve le plus puissant calculateur de données au monde, sont intéressés par ma plateforme. Des déploiements ont eu lieu ou sont à létude sur divers Grilles de calcul en Angleterre (Oxford, manchester) aux Etats-Unis, aux Pays Bas, en Nouvelle-Zélande. Un chapitre sera dédié à Biocep-R dans le « Handbook of Cloud Computing) (à paraître lannée prochaine chez Springer).
Comptez-vous un jour proposer votre projet en Tunisie ?
Absolument. Je pense que le projet arrive à point nommé en Tunisie. Je me suis entretenu avec des responsables Tunisiens qui mont encouragé à proposer ma plateforme comme projet moteur de linnovation susceptible de recevoir le soutien des pouvoirs publics. Un tel soutien me permettrait de créer au pôle El Ghazala une entité de Recherche et développement qui aurait des synergies avec des acteurs du pôle et serait susceptible de constituer lembryon dun nouvel industriel du soft de classe internationale. Mon portail Elastic-R aurait aussi beaucoup dapplications dans lenseignement et la recherche.
Un des freins à lutilisation du Cloud en Tunisie est quil faille payer le temps de calcul en devise. Je travaille sur un nouveau composant qui permettra de contourner cet obstacle : un serveur basé au pôle El Ghazala par exemple permettrait de fournir aux utilisateurs du pôle des jetons numériques signés qui leur permettraient de lancer des machines virtuelles de leurs choix sur le Cloud dAmazon pendant un temps déterminé. Les utilisateurs réclament les jetons auprès de ladministrateur de ce service et les « consomment » à travers un portail tel que « Elastic-R ».
La bande passante en service actuellement en Tunisie est-t elle suffisante pour pouvoir profiter du Cloud Computing ?
Elle est largement suffisante. La très grande qualité de linfrastructure numérique Tunisienne en fait un candidat de choix pour un passage au Cloud. On pourrait même rêver de voir émerger le «monde numérique nouveau» promis par le cloud chez nous avant certains pays plus développés. Ladoption du Cloud deviendra très vite gage de compétitivité économique. Par ailleurs, Le Cloud sera probablement le catalyseur de linnovation le plus puissant depuis que linternet existe. Il nest plus nécessaire de disposer dun appui financier conséquent pour commencer à inventer et à transformer ses idées en services de classe mondiale, le futur de linternet est en train de sécrire dans le Cloud et lidée géniale peut émerger de nimporte où, où il y a de lénergie et de la passion créatrice et forcément des laboratoires de HP, dIBM ou de Microsoft. Cest une opportunité pour la Tunisie quil faudrait saisir.
La 3G qui arrive doucement en Tunisie a aussi un rapport au Cloud : les applications du futur tourneront sur des appareils portatifs quils soient à base diPhone OS ou dAndroid et ces applications seront servies par des machines virtuelles lancées à la demande sur un Cloud. Mon portail Elastic-R qui sera en production au printemps est un précurseur en la matière : avec votre iPhone, vous pourrez en quelques clicks lancer une machine de votre choix sur le Cloud d Amazon (EC2) et lutiliser pour avoir léquivalent dun Matlab complet et collaboratif dans le navigateur de votre téléphone ou bien faire une présentation à distance à vos collaborateurs qui peuvent être nimporte où dans le monde en leur montrant vos données, vos transparents que vous pourrez annoter en temps réel, vos feuilles de calcul, etc.
Les acteurs majeurs du Cloud tels que Amazon sont en train de sétendre et dinstaller de nouveaux Datacenters virtualisés un peu partout dans le monde. On peut rêver que leur choix se porterait sur la Tunisie pour desservir lAfrique du Nord ou lEurope du Sud. Cela se traduirait pas un accès plus rapide chez nous et résoudrait certains des problèmes juridiques liés à la localité des données.
Le Cloud Computing a-t-il de lavenir en Tunisie ?
La question nest pas de savoir si on se mettra au Cloud mais quand. Il nous appartient den faire le plus tôt possible un atout pour notre économie. Le Cloud, est bon pour léconomie tunisienne parce quil réduit le coût de lIT, le Cloud est bon pour nos chercheurs par ce quil leurs donne accès à une capacité de calcul colossale à des prix dérisoires (400 millimes de lheure pour une machine à 4 Cores et 8 Gigas de RAM). Le Cloud est bon pour la planète, parce quil permet de rationaliser la consommation énergétique liée à lIT. Le Cloud est bon pour nos ingénieurs qui peuvent ainsi disposer dinfrastructures à faibles coût et à la demande pour créer leurs startups et tester leurs idées. Le Cloud porte en lui la promesse de la réduction de la fracture numérique et sera le réceptacle des données et des outils numériques de la société du savoir de demain. Ce que je développe a vocation à rendre plus visible et plus tangible ce potentiel et jai bon espoir que des Tunisiens prendront part à cette aventure à travers mes travaux.
Propos recueillis par Samy Ben Naceur