Exit le rêve américain. Mahmoud Sghaier lui a préféré le rêve made in Hong Kong. A 31 ans à peine ce businessman tunisien a fondé une entreprise spécialisée dans le négoce des écrans géants LED en Chine ! Interview.
Il est habituel de voir de jeunes entrepreneurs tunisiens créer des projets en Tunisie. Mais il est hors du commun de voir un jeune tunisien décider de simplanter en Chine et à Hong Kong comme cest le cas de Mahmoud Sghaier. A lâge de 31 ans, ce jeune chef dentreprise dune start up spécialisée dans les services Internet a décidé de se lancer sous dautres cieux.
En 2009, Mahmoud Sghaier a fondé Soft Progress Co LTD à Hong Kong avec un bureau représentatif en Chine. Cette SARL a pour tâche le conseil et le suivi. Elle fait également de limpor/export de produits électroniques et informatiques notamment les écrans géants LED et ce, après avoir lancé Soft Progress en Tunisie en 2004. Cette dernière est une start up spécialisée dans le développement web et les logiciels de gestion pour les PME et les professions libérales.
Depuis Hong Kong et en quelques mois, Soft Progress Co LTD a pu exporter des écrans daffichage LED à grande dimension pour le Mali et le Congo. Des négociations sont en cours pour plusieurs autre pays du continent Africain. Lexpérience chinoise a ainsi propulsé le jeune Tunisien dans le négoce international des écrans géants. «Je fais les négociations commerciales et techniques, je supervise le processus de fabrication et de transport de la marchandise ainsi que linstallation et la mise en marche des écran LED dans des pays éloignés. Je suis arrivé à faire ça tout seul, même à distance» affirme ce jeune entrepreneur avec fierté. Soft Progress Co LTD a réussi à décrocher plusieurs contrats dexclusivités avec des fabricants décrans LED pour assurer leur distribution en Afrique.
Pendant que quelques uns cherchent encore à vivre le rêve américain, Mahmoud Sghaier a plutôt choisi le rêve made in Hong Kong.
Tekiano : Vous avez suivi quel cursus universitaire ?
Mahmoud Sghaier : Jai fais deux années détudes après le Bac en économie internationale. Mais jai arrêté quand jai découvert que mes études tunisiennes ne correspondaient ni à mes attentes ni à celles du marché.
Comment êtes-vous passé à linformatique ?
Linformatique est ma passion depuis que jétais un enfant. Jai appris la programmation et le webdesign dune façon autodidacte. Donc on peut dire que je suis un geek de pur sang. Mais un geek professionnel. Cest à dire que jai passé pas mal de temps à lire tout ce qui me tombe sous la main en relation avec la Hi tech.
Quelles sont vos expériences professionnelles ?
A 16 ans, jai créé une entreprise familiale qui soccupe de la climatisation. A 22 ans jen ai fondée une autre dans le secteur de lélectroménager. A 24 ans, en 2002, jai voulu prendre mon envol tout seul en créant ma propre entité professionnelle. A lépoque jai voulu faire de lInternet le cur de mon métier. Jai donc décidé de créer un publinet [NDLR : cybercafés en Tunisie].
Au début des années 2000, le Net nétait pas encore aussi largement diffusé en Tunisie. Le grand public navait pas encore accès à lhaut débit. La connexion coutait très cher en plus pour une utilisation limitée. Créer un publinet était à lépoque une bonne affaire surtout avec le succès des réseaux de Tchat comme lIRC (mirc) ou msn chat, etc.
En 2004, jai étendu mon activité à la vente des abonnements Internet pour le compte du FAI Topnet. Jai été parmi les premiers revendeurs dun fournisseur daccès tunisien. On peut dire que jétais parmi les initiateurs de ce nouveau type de business.
Dans la même période, je me suis lancé dans un nouveau chantier : le développement de logiciels de gestion pour les PME et les professions libérales. Cest là que Soft Progress est né. Notre atout était de créer des logiciels selon les besoins du client et non dadopter des solutions déjà existantes. Nos clients ont été satisfaits et le bouche à oreille nous a ramené de gros marché, comme des sociétés de grande envergure.
Est-ce la raison de votre volonté dexpansion à létranger ?
Non. Mis à part le problème persistant de linsolvabilité de certains de nos clients, je dirais plutôt que cest pour échapper à la morosité ambiante.
En termes plus clairs ?
Jai visité la Chine et Hong Kong lors de voyages de loisirs. Cest là que jai pu découvrir avec stupéfaction le cadre administratif et financier favorable aux entreprises. Un dynamisme économique hors normes qui encourage les investisseurs, même étrangers. Par exemple, en Chine, on ne nous demande pas de payer des impôts. Mieux ! Si on exporte une marchandise depuis la Chine, le gouvernement chinois donne 16,5% du montant global de lachat sous forme de liquidité à lentreprise exportatrice. A Hong Kong, lenvironnement business est plus libéral (moins de restrictions et moins de contrôles). Les échanges commerciaux qui sy font sont très importants. Hong Kong est un véritable carrefour économique régional.
Pourquoi créer deux sociétés dans deux zones géographiques proches ?
Il faut savoir que Hong Kong fait partie de la Chine mais cest une région administrative spéciale indépendante. Donc il me fallait un bureau représentatif en Chine pour officialiser mon activité auprès du gouvernement chinois. Il sert également à contrôler les prestations de services émanant de là-bas puisque les risques de fraudes et de contrefaçon y sont élevés. A titre anecdotique, une société étrangère a commandé du fer de la Chine. Après quelques semaines, elle a reçu des caisses pleines de sable ! Pourquoi ? Parce quil ny avait pas un représentant local pour faire les vérifications.
Comptez-vous alors fermer Soft Progress en Tunisie ?
Non. Je ne veux pas couper le cordon ombilical avec ma patrie. Je tiens à encourager, même timidement, léconomie nationale. Mais au lieu de me concentrer sur le développement de ma start up en Tunisie au risque de navoir que peu de résultats satisfaisants, jai jugé plus logique dinvestir en Chine et à Hong-Kong avec de fortes chances de réussite. Il faudrait que nos instances régulatrices réagissent plus vite. Les grandes sociétés aux moyens financiers importants sont encore trop souvent les mieux servies dans notre pays.
Le mot de la fin ?
Je pense que les Tunisiens ont tout à gagner à sinspirer des recettes chinoises !
Propos recueillis par Welid Naffati
Plus : Actu