Romancier, essayiste, journaliste, Ridha Kéfi est sans doute lune des plus brillantes plumes de Tunisie. Issu du monde de limprimé, voici quil se lance à son tour dans la presse en ligne. Lavenir et le présent de notre presse se jouerait-il sur le web ? Interview.
Tekiano : Vous avez toujours évolué dans la presse imprimée. Voilà que vous lancez un magazine en ligne. Quest-ce qui vous a poussé à faire ce choix?
Ridha Kéfi : Trois raisons au moins ont présidé au choix de ce support. Un : la presse papier est une machine lourde et qui nécessite de gros investissements qui dépassent mes moyens. Deux : on dit que lavenir de linformation passe par le net. Je fais en sorte dy croire. Trois : cest une aventure qui me passionne. Après plus de trente ans de journalisme, des expériences diverses, sur les plans national et international, jai voulu, à lapproche de la retraite, tenter quelque chose de différent de tout ce que jai fait jusque là.
Cela dit, je continue à travailler pour la presse imprimée : je suis rédacteur en chef (basé à Tunis) aux magazines New African, African Business et African Banker, publiés à Paris par le groupe ICP de mon ami Afif Ben Yedder. Je suis conseiller de la rédaction de la revue trimestrielle espagnole Afkar/Idées (qui paraît en français et en espagnol). Je vais écrire bientôt à La Revue, dirigée par lun des éditorialistes et patrons de presse qui mont fait aimer ce métier, M. Béchir Ben Yahmed.
Après un mois dactivité de Kapitalis, quels sont les différences que vous avez constatées entre la presse imprimée et la presse électronique ?
Les deux supports sont très différents. Le temps de réaction, langle dapproche, la distance, le public cible : tout diffère. Il y a une adaptation à faire pour passer de lun à lautre. On y arrive. Peu à Peu.
Pierre Haski, ex-journaliste de Libération a concocté Rue89.com dans la cuisine de son appartement. Dans quelles conditions avez-vous lancé Kapitalis ? Sur quels critères avez-vous formé votre équipe de rédaction ?
Il mest arrivé moi-aussi de travailler dans la cuisine : elle est mieux éclairée que mon bureau. Plus sérieusement, Kapitalis est réalisé, sur le plan rédactionnel, dans mon appartement. Je suis aidé, pour les questions techniques, par un webmaster.
Léquipe est constituée de quelques jeunes journalistes qui veulent apprendre leur métier auprès dun vieux briscard. Mes critères de choix: disponibilité, curiosité, désir dapprendre, rigueur et honnêteté. De par mon expérience, je sais déceler rapidement ces qualités. Cela dit, jespère que ces jeunes reporters ne sont pas en train de perdre leur temps. Pour apprendre, ils doivent «supporter» mes critiques. Jaime à croire que cela les aidera à évoluer. Ils mapprennent aussi beaucoup de choses. Et parfois métonnent et me renvoient à mon ancienneté.
Comme Webmanagercenter, Businessnews, African Manager et autres, la majorité des magazines en ligne tunisiens sont spécialisés dans linformation économique. Dans ce contexte, comment comptez-vous trouver de la place dans un paysage médiatique comportant autant de portails focalisés sur cette ligne éditoriale ?
Il y a de la place pour tout le monde. Le paysage médiatique tunisien est loin dêtre saturé. Il est même loin des standards internationaux dans ce domaine. Il va sans dire que la concurrence est un bon ferment. La qualité et le sérieux finiront par primer. Cela dit, nous traitons aussi de sujets culturels, sociaux, de civilisation Léconomie ne doit pas être prise dans un sens restrictif.
Quest ce que vous entendez par «lactualité autrement» ? Comment trouvez-vous lapproche de lactualité telle quelle est perçue par les autres médias tunisiens ?
Avec le web, linformation est à la portée de tous. La différence doit être perceptible dans la qualité du traitement. «Autrement», cest-à-dire en prenant le temps de mettre en perspective, de compléter et déclairer linformation. La différence réside aussi dans ce quon peut apporter de plus que les autres. Dans la clarté de lécriture. Dans le style propre que lon construit au fil des jours.
Après Tekiano et plus anciennement la webradio TBK Project, voilà que vous remplacez le légitime «C» par un «K», plutôt décalé, non seulement dans le terme Kapitalis mais aussi dans les intitulés de toutes les rubriques de votre magazine en ligne. Pourquoi avez-vous fait ce choix ?
Quant on se lance dans un projet, on cherche à le singulariser dune manière ou dune autre. Jaccepte ladjectif «décalé» que vous utilisez. Le K, où certains ont cru déceler la première lettre de mon nom de famille, a été adopté pour ce «dé-calage», cet écart, cette distance et cette différenciation quil suggère.
Vous noffrez pas à vos lecteurs la possibilité de commenter les articles de Kapitalis. Sagit-il dun choix stratégique ou cest, tout simplement, une question de temps ?
Toute discussion a besoin dun bon modérateur. Sinon, cest la foire dempoigne et bonjour les noms doiseaux ! Nous navons pas encore les moyens de mettre quelquun (qui a les qualités requises pour un modérateur) à plein temps pour cette mission.
Kapitalis est développé sur une plateforme Joomla. Pourquoi le choix de ce CMS (Content Mangement System) ? Quels sont ses atouts et ses inconvénients dans le cas présent ?
Joomla est une plateforme qui a fait ses preuves. Il existe des milliers de modèles disponibles, au service de ceux qui voudraient monter leur portail. Et ils sont souvent gratuits. Pourquoi donc sen priver ? On ne voulait surtout pas réinventer la roue. A mes yeux, le contenu rédactionnel à mettre en ligne reste le plus important. A lorigine, on avait donc assigné à notre webmaster un objectif principal clairement défini : disposer rapidement dun support fiable, adaptable, et évolutif. La simplicité dutilisation, la souplesse de Joomla ont fini par me convaincre.
Contrairement à la majorité écrasante des portails dinformations tunisiens lancés sur le web les deux dernières années, vous nêtes pas présent ni sur Facebook ni sur Twitter. Ne croyez vous pas à limportance du rôle du web 2.0 dans un tel projet ?
Je suis en train dapprendre. Rien ne presse : chaque chose en son temps. Je ne suis pas encore un grand fan des réseaux sociaux, mais ça viendra.
Propos recueillis par Thameur Mekki
Plus : Actu