La puissante voix bédouine de Mounir Troudi a résonné entre les murs de l’aristocratique Médina de Tunis. Il brise les clichés avachis à coup d’ironie Electro. «Il ne faut pas banaliser le soufisme et en faire une carte postale folklorique pour vendre» clame-t-il.
El Hafsia, à 18h30. Des groupes de jeunes se faufilent dans les ruelles de ce quartier populaire de la Médina de Tunis., Ils sont venus d’un peu partout, en ce samedi 17 avril, pour assister à un concert au Club Tahar Haddad. A l’affiche, l’atypique chanteur et musicien tunisien Mounir Troudi.
A 19h45, le concert commence. Accompagné par Sami Ben Saïd au clavier et au Laptop, Zied Lakoud à la basse et Seif Eddine Maaiouf au naï, l’indomptable artiste poussent ses premières onomatopées. Sa puissante voix résonne entre les murs de ce lieu historique. Il n’y a même pas 50 ans, ces airs chantés par Mounir Troudi étaient prohibés à Tunis, surtout à la Médina. Le conservatisme des aristocrates tunisois tenait à bouter le chant des bédouins hors des murs de la cité. Et Mounir a évoqué ce genre de conflits socio-régionaux dans l’un de ces morceaux. Il s’agit de «3arka». «C’est l’histoire d’une vieille querelle entre deux femmes, la citadine et la paysanne» lance l’artiste avant d’interpréter cette nouvelle chanson. Sur un rythme hip hop aux accents jazzy, Mounir Troudi a enivré le public avec un chant bédouin puisant sa densité dans un percutant rythme Old School.
Pas de batteur ni de percussionniste assurant la section rythmique. Un problème de disponibilité des musiciens ? Mounir explique : «Ce n’est pas à cause de l’indisponibilité du batteur. J’ai choisi une autre approche rythmique. Quand j’ai collaboré avec Erik Trufaz ou avec Speed Caravan, on avait un batteur mais on comptait quand même sur l’apport de l’Electro sur le plan rythmique». Et il poursuit : «Il y a des couleurs constantes. Le travail minutieux de la MAO (musique assisté par ordinateur) avec les filtres, les samples et les loops n’est pas effectué par un batteur».
Pour la première fois en solo, Mounir Troudi introduit la musique électronique dans l’une de ses performances live. «Salwa» est le premier morceau interprété lors de ce concert. Déjà paru sur l’album éponyme fruit d’une collaboration entre Mounir et l’incontournable jazzman suisse Erik Truffaz, ce morceau a été revisité dans une nouvelle version 100% Electro. «Gueddech», «Rakeb 3al 7amra», «Zhar» et «7amma» ont été réarrangés selon la même approche musicale. Quant à son morceau «Lassoued Magrouni», il a adopté une nuance Drum’n’Bass. Et Mounir Troudi semble tenté par la Bass driven music. Son morceau «3asses» en témoigne. Reggae à la base, sa composition a pris la couleur du Dub après avoir été teintée de sonorités Electro dans un nouvel arrangement. D’autres morceaux tels que «Chog El 3assa w Etmarred» ont maintenu leur couleur bédouine aux accents jazzy. Les rythmes sont toujours assurés par le Laptop de Sami Ben Saïd. Entre Electro, Blues, Hip hop et Jazz, les influences des morceaux interprétés par la bande à Mounir Troudi se diversifient. Même le Tango est présent dans le répertoire de l’artiste avec l’ironique ballade réclamée par le public et intitulée «El Mongala». Après l’avoir chantée Mounir lance une réplique satirique : «Il y a le soleil, les chameaux, Sidi Bou Said…tout va bien !»
Dans ce concert, Mounir Troudi ne s’est pas contenté d’aligner de nouvelles versions de son vieux répertoire. Deux nouveaux morceaux ont été présentés en avant-première, samedi dernier. Il s’agit d’«Al fahm Bel Ichara», sur un texte du grand maître soufi «Al Hallej» et de «3arka» cité ci-dessus. Mounir a dédié ce morceau à «Djej à Carthage». L’allusion est claire. L’artiste explique sa dédicace satirique : «A travers ce morceau, j’ai voulu afficher la différence entre ce que je fais et ce que font d’autres qui prétendent faire de la musique soufie. Il ne faut pas banaliser le soufisme et en faire une carte postale folklorique pour vendre».
L’artiste nous confie : «Ce sont des morceaux issus d’un projet commun avec le musicien français SIG. On a déjà concocté 18 morceaux. Actuellement, ils sont en cours de mixage en Suisse. L’album sera de sortie dans environ deux mois».
Thameur Mekki
Crédit Photos : Yassin Hamrouni
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