Dans un centre d’appel délocalisé, Hayet change de nom et d’accent. Elle y subit le matraquage du superviseur râleur. Chez elle, sa mère est hantée par les idées obscurantistes véhiculées par les Cheikhs sur des chaînes «islamiques» d’Orient. Focus sur une société qui change !
Dans un centre dappel délocalisé, Hayet change de nom et d’accent. Elle y subit le matraquage du superviseur râleur. Chez elle, sa mère est hantée par les idées obscurantistes véhiculées par les Cheikhs sur des chaînes «islamiques» dOrient. Focus sur une société qui change !
(VF) ou «3icha» (VO) est le nouveau film du cinéaste autodidacte tunisien Walid Tayaa. Après des études en sociologie, ce jeune réalisateur sest consacré au cinéma. Après avoir zoomé sur le racisme en Tunisie dans son court-métrage «Prestige», Walid Tayaa évoque dautres aspects symptomatiques de quelques maladies rongeant la société tunisienne. La première nationale du film «Vivre», produit par Ulysson Production en 2010, sest tenue, vendredi 30 avril 2010, à 20h, au cinéma Alhambra à la Marsa. Ce film a remporté le Grand Prix de la 16ème édition du Festival International du Cinéma Méditerranéen de Tétouan, section court-métrage.
Changer didentité pour vivre
«Une grande partie de ce film est inspirée de ma vie personnelle. En 2005, je cherchais à travailler en tant quassistant réalisateur. Vu le contexte, je nai pas trouvé de travail. Donc je suis parti bosser dans un centre dappel» raconte le jeune réalisateur tunisien Walid Tayaa avant la projection de son film. Hayet est le personnage principal du film. Cette veuve tunisienne quadragénaire est une téléactrice dans un centre dappel français délocalisé à Tunis.
Comme des milliers demployés tunisiens travaillant dans ces sociétés, elle y subit le matraquage incessant du superviseur et son discours bâti sur un ensemble de clichés. «Il ne faut pas oublier quon est sur écoute en France» clame le superviseur français. «Souriez, le sourire sentend au téléphone. Le soleil, le sourire, Sidi Bou Saïd, cest vous non ?» poursuit-t-il. Au centre dappel, Hayet change son nom et joue son rôle de télé-marketeuse derrière un pseudo français. Son accent doit être moins «exotique». Et Hayet sadapte avec amertume. «Puisque vous nous payez» répond-t-elle à lune des demandes du superviseur râleur.
Des Cheikhs sollicités
«Je suis étonné de lislam propagé par quelques chaînes dOrient et adopté par certains Tunisiens. Ces cheikhs disent du nimporte quoi. Je suis musulman et je ne connais pas du tout lislam quil prône» déclare Walid Tayaa avant la projection de «Vivre». Les fatwas de ces prédicateurs sont caricaturées par le réalisateur. Le film met même en scène une consultation suivie par la mère de Hayet sur une chaîne télé du genre «Iqraa», «Ennas» et «Arrissala». Le cheikh y interdit lusage du séchoir à une intervenante tunisienne en quête dun conseil. La mère augmente le son et interrompt une discussion nostalgique entre Hayet et son oncle. Au centre de la conversation, leurs souvenirs du temps où loncle emmenait Hayet au bar quil fréquentait avec ses amis. Désormais, ce bar est clos.
Sacré Mac Guffin !
Entre tyrannie patronale, obscurantisme et violence, le regard de Walid Tayaa nous révèle une société motivée par les actes insensés et la conduite irrationnelle. Le Mac Guffin y prend non seulement la dimension de lastuce scénaristique mais aussi la clé de son propos cinématographique.
Excellente qualité dimage, expressif usage du flou et plans bien étudiés, «Vivre» est un film riche non seulement par les aspects sociétaux quil révèle mais aussi par la particularité de son langage filmique.
Thameur Mekki