Après plus d’une décennie d’exclusion de la vie culturelle en Tunisie, le rap dérape. Prisonnier de son ghetto, le rap laisse éclater sa rage. Sur le banc des accusés, les médias, les opérateurs culturels et les producteurs d’événement.
Après plus d’une décennie d’exclusion de la vie culturelle en Tunisie, le rap dérape. Prisonnier de son ghetto, le rap laisse éclater sa rage. Sur le banc des accusés, les médias, les opérateurs culturels et les producteurs d’événement.
Paru sur la page fan du groupe, dimanche 23 mai 2010, «Révolution» cherche à présenter une manière de «bâtir le rap tunisien sur de bonnes bases», selon Fami, membre de DKF auteur de ce morceau. «Je défends le rap comme je peux. C’est pour ça que j’ai écrit «Révolution» explique le rappeur dans une vidéo en partage sur le réseau social.
La réflexion génératrice de «Révolution» est ravivée par certains constats du rappeur de DKF par rapport à l’état actuel du rap tunisien, notamment, la vague de clashs successifs faisant un véritable buzz sur les pages du net, essentiellement sur Facebook.
Marginalisés en autodestruction
Au lieu de pointer du doigt tel ou tel individu, il fallait dénoncer l’origine de toutes ces querelles. La guerre des clashs n’est que le fruit des longues années de marginalisation des rappeurs tunisiens par les médias. On semble en effet délibérément les ignorer lors des manifestations culturels et des festivals d’été.
Récemment ouvert sur le rap, le paysage événementiel tunisien a souvent laissé de côté cette discipline artistique. En dehors de quelques exceptions, les médias nationaux l’ont presque complètement zappée durant plus d’une décennie. Généralement jeunes, les rappeurs ont été mis à l’écart de la vie culturelle tunisienne. Et malgré certaines expériences à tendance commerciale, le rap a été condamné à rester dans l’ombre de l’underground.
Friperie musicale appréciée !
Considéré étranger à notre culture et à «l’identité nationale», le rap s’est cloitré, en Tunisie, dans des cercles fermés. Cependant, les chanteurs tunisiens de pacotille adoptant la musique orientale aux textes en dialecte libanais, égyptien voire libyens et même en dialectes du pays du golfe sont massivement médiatisés. Avec beaucoup de reprises à leurs répertoires, ces derniers multiplient les concerts. Sous le prétexte de l’hommage et de l’ouverture sur le monde arabe, ce genre de chanteurs se taille la plus grande part du gâteau événementiel.
Par ailleurs, les rappeurs sont auteurs, compositeurs et auto-producteurs de leurs créations. Leur légitimité artistique est largement acquise contrairement à celles des fouilleurs dans la friperie du prétendu patrimoine. Et pourtant, la balance des médias et des producteurs d’événement en Tunisie penche ostensiblement du côté de ces inconditionnels plagiaires.
Victimes de l’isolation
Durant les quelques mois passés, le discours désorienté de quelques rappeurs a fait couler l’encre de certains médias. «Roba vecchia du rap», c’est en ces termes que Khemais Khayati, journaliste et critique d’audiovisuel tunisien, a qualifié «Guerre Psychologique», morceau polémique du rappeur nommé Psycho M, dans un article paru, il y a trois mois, sur les colonnes du journal «Assabah».
C’est oublier que les propos déplacés de Psycho M et son rap de «Roba vecchia» ne sont au final que le résultat de la mise à l’écart du rap par nos médias et nos manifestations musicales nationales. Et à délaisser ces artistes, on finit par emprisonner toute une discipline dans un ghetto mental. Livré à lui-même, le rap tunisien a été gangréné par les fanatismes de tous bords. Et opérateurs culturels, médias et producteurs d’événements assument leur part de responsabilité.
Thameur Mekki