Terrifiante», «horrible», «traumatisante», c’est en ces termes que les Tunisiens ont réagi, sur Facebook, à une vidéo de sensibilisation datant de 1987. A l’époque, l’ONU et le Ministère de la Santé Publique ont dû terroriser toute une génération pour la pousser à se faire vacciner.
«Terrifiante», «horrible», «traumatisante», cest en ces termes que les Tunisiens ont réagi, sur Facebook, à une vidéo de sensibilisation datant de 1987. A lépoque, lONU et le Ministère de la Santé Publique ont dû terroriser toute une génération pour la pousser à se faire vacciner.
Cerf-volant en main, un enfant quitte sa maison sous lil bienveillant et les paroles affectueuses de sa mère. Il court dans les ruelles étroites de la Médina. Vers la Rue du Pacha et aux environs des ruelles du quartier de «Hwanet Achour», des monstres bloquent son chemin.
Des effets sonores sinistres squattent la bande son. Il ne sagit pas dun film dhorreur tunisien, ni dune fable fantastique pour enfants. Cest plutôt un spot-vidéo de sensibilisation créé dans le cadre dune campagne de sensibilisation pour la vaccination lancée par le Ministère de la Santé Publique et lUnicef (United Nations of International Children’s Emergency Fund) dès 1987.
Horrible vaccin
Selon Moncef Dhouib, réalisateur de cette vidéo, cette séquence a remporté, en 1987, la médaille du meilleur film de mobilisation sociale au siège de lOrganisation des Nations Unies à New York. Diffusée sur la Télévision Tunisienne (actuellement Tunisie 7) à partir de 1987 et jusquau début des années 90, la vidéo en question a laissé dineffaçables traces dans les mémoires de toute une génération. Mise en ligne sur Facebook par le réalisateur lui-même depuis mercredi 16 mai 2010, les commentaires de ses «victimes» comptées par milliers témoignent de la lourdeur de son impact.
Même en 2010, alors que les enfants que cette vidéo ciblait ont grandi, son impact est toujours le même. Hanen Younes, 25 ans, diplômée en psychologie nous en parle: «Jai revécu la peur. Je me suis rappelé de lexpérience traumatisante que jai eue avec cette vidéo. Pour moi, cétait un film dhorreur. Je me suis rappelé aussi du nombre de cauchemars que jai fait à cause de ça, surtout que je regardais ce spot les soirs». Et elle poursuit : «Mais quand je me suis calmé, je me suis rendu compte que ce spot était aussi terrifiant que marquant pour les petits et pour les adultes. Apparemment, nos parents se sont dépêchés de nous vacciner».
Stimulus de souvenirs
Chacun a vécu la diffusion de ce film de sensibilisation à sa manière. «Javais plus peur de la seringue que de ces montres surtout que je savais très bien que c’était en chiffon vu qu’à la même époque j’allais souvent au Parc de Bir Belhassen à l’Ariana où ces marionnettes géantes sont apparues pour la première fois» nous confie avec un sourire Myriam Karoui, 33 ans, chef de projets web.
La vidéo en question peut jouer aussi le rôle du stimulateur pour la mémoire. Cest le cas de Helmi El Khoja, 28 ans, instituteur. «Voir ce spot, c’est revoir des scènes d’enfance, la maternelle, les premières années à l’école Et ça me rappelle surtout les vaccins avec un infirmier moche et de grande taille… Ce spot s’associait à cette horreur». Et le jeune instit alterne : «Ce n’est pas le spot en lui même qui me hante mais le fait quil me rappelle cet infirmier».
Après avoir réussi à provoquer une mobilisation sur la nécessité de la vaccination à la fin des années 80 et au début des années 90, ce film de sensibilisation revient pour jouer le rôle du stimulateur des mémoires de ces mômes devenus grands. Mais, voilà quon se retrouve avec le besoin dun vaccin contre les traumatismes causés par cette vidéo.
Thameur Mekki