«50 heures de musique» sont «en préfiguration de la Cité de la Culture» sans aucune minute dédiée à la musique émergente. Par contre, l’Opéra est au centre de l’intérêt. A priori, les jeunes tunisiens seront des clandos dans les 49 000 m² de la Cité de la Culture…
Opérettes, concerts de chant lyrique, de jazz ou de musique orientale classique (Tarab) sont au programme de «50 heures de musique», prévues pour le samedi 26 et dimanche 27 juin au Centre Culturel International de Hammamet. Cette manifestation est organisée par l’Unité de Gestion par Objectifs de la Cité de la Culture. Il s’agit d’un événement «en préfiguration des activités futures de la Cité de la Culture et l’exploitation de ses pôles artistiques». La date de l’inauguration de ce projet n’a pas encore été annoncée. La conférence de presse de «50 heures de musique», tenue mercredi 23 juin, a été une occasion pour les médias d’avoir un aperçu de cette Cité de la Culture tant attendue.
Majorité négligée
Durant ces «50 heures de musique», il n’y aura pas une seule minute consacrée à la musique électronique, au rap, au rock ni même aux autres genres en vogue parmi la jeunesse de Tunisie. La musique émergente, serait-elle exclue du projet de la Cité de la Culture? C’est en tout cas ce que reflète la programmation de «50 heures de musique». A cela Mohamed Zinelabidine, directeur de l’Unité de Gestion par Objectifs de la Cité de la Culture, rétorque :
«La Cité de la Culture est contre l’exclusion de tous types de créateurs. S’ils ne sont pas présents dans ces 50 heures de musique, ils peuvent participer à un autre stade de l’évolution du projet, dans un cadre différent» précise-t-il avant de souligner : «Ce n’est pas une question d’exclusion. C’est plutôt une question de programmation, une question de focalisation sur des pôles bien déterminés».
Or les jeunes entre 15 et 29 ans représentent un bon tiers (plus précisément 29,3%) de la population tunisienne. Et c’est cette catégorie de population qui se déplace le plus pour des concerts, des manifestations artistiques. Electro, rap, rock et autres musiques émergentes sont au cœur de leur intérêt. Les indicateurs qui abondent en ce sens ne manquent pas. L’observation de l’affluence des jeunes lors d’événements musicaux, les statistiques des pages du web qui leurs sont consacrés en témoignent.
Priorité à l’Opéra !
Mais l’Unité de Gestion par Objectifs de la Cité de la Culture semble avoir une approche différente. Et elle mise sur des registres de création classiques (voire académique) qui ne répondent pas nécessairement aux attentes des acteurs de la scène émergente.
«On est en train de former un pôle autour de l’opéra, par exemple. Pour nous, il est important de répondre aux intérêts des jeunes et de leur donner la parole. Mais il est essentiel aussi de créer un terrain de création favorable aux champs artistiques les plus importants».
En d’autres termes, l’opéra est considéré comme étant plus important que la musique émergente, même si on a bien du mal à dénombrer les fans Tunisiens de Verdi ou de Wagner.
Mohamed Zinelabidine explique: «Notre approche vise à établir des liens entre les différents arts de la scène à l’instar de la musique et le théâtre ou encore la musique et la danse». L’opéra est, certes, un champ de création où les différents arts peuvent fusionner. Est-ce que cela impliquerait pour autant un carton rouge à la nouvelle scène tunisienne ? M. Zinelabidine insiste : «Il n’y a pas d’exclusion dans cette manifestation (50 heures de musique) ou dans la Cité de la Culture ultérieurement. Mais il faut mettre en place une entité de synthèse (la Cité de la Culture)». En l’occurrence, le projet en question se montre très ambitieux. Trop ?
Pas exclus mais hors-agenda
«Pourquoi ne pas voir les jeunes s’ouvrir sur d’autres registres artistiques? Il faut qu’on trouve quelques choses de réciproque. Il faut qu’on se rapproche l’un de l’autre pour se retrouver à mi-chemin. La Cité de la Culture pourrait être l’hôte de la musique underground» relève le gestionnaire en chef de la Cité de la Culture, avant de temporiser «le ministère dispose d’autres structures aptes à accueillir les artistes de la scène émergente. Après tout, la Cité de la Culture ne va pas tout faire. Elle doit rester un espace de synthèse» déclare notre interlocuteur.
Une synthèse n’est pourtant pas censée zapper certaines nuances de la palette artistique tunisienne. D’autant plus qu’électro, rap, rock et autres, cartonnent dans les playlists des jeunes tunisiens. Mais il semblerait que les écouteurs de l’Unité de Gestion par Objectifs de la Cité de la Culture soient branchés sur une autre fréquence. Résultats : la musique émergente et l’art underground ne sont pas exclus. Ils n’ont pas eu de carton rouge… mais ils sont pour l’instant hors-agenda.
Thameur Mekki
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