1200 personnes se déchaînent sur de l’électro-swing à El Karraka de la Goulette. Cette musique de fanfare futuriste offre aux airs de Django Reinhardt des beats électroniques. Et si Billie Holiday chantait sur de la musique french touch… C’est la formule proposée par Caravan Palace !
Avant de se produire en France, aux Etats-Unis, au Canada et en Grande Bretagne dans le cadre de leur tournée estivale, les membres du groupe Caravan Palace ont enflammé une piste de danse tunisienne. C’est à l’espace culturel méditerranéen «El Karraka», du côté de la Goulette, que le combo français a drainé, mercredi 23 juin, environ 1200 personnes à leur concert. Organisé par l’Institut Français de Coopération, cet événement s’est tenu en célébration de la fête de la musique. L’entrée a été gratuite mais sur invitation.
Il est 22h15. Les cordes du violon s’agitent. La guitare joue un air de jazz manouche. Et la clarinette rétorque à l’appel de la fête tzigane. Le groove est là. Les notes de la contrebasse soutiennent et favorisent l’entrée en scène d’une voix rassasiée de la piquante sauce jazzy. Les beats electro de Toustou secouent la foule. Et c’est parti pour une heure et demie de folie scénique. Swing, manouche et… electro !
La performance énergétique de Caravan Palace nous a embarqués à la découverte d’une musique de fanfare futuriste. Quelques artistes de la scène émergente tunisienne étaient présents à ce concert. Rappeur et membre de la formation «Dub mil Kabba», Radhouan Fiddini nous parle de la prestation de Caravan Palace : «La fusion me semble être l’aboutissement d’un parcours très coloré». Justement, la fusion élaborée par Caravan Palace est absolument remarquable.
La musique de ce groupe interpelle l’audience avec un mariage entre les accords de jazz manouche et le groove du jazz swing. Cet univers est rendu encore plus atypique par l’apport des sonorités électronique. Le cocktail musical proposé par Caravan Palace émane de la diversité des influences du groupe. Ces musiciens sont autant passionnés par le père du jazz manouche, Django Reinhardt que de musique électronique. En effet, les piliers du french touch, Daft Punk et Justice les inspirent aussi bien. Et ils sont également fans des figures incontournables du jazz swing tel que Billie Holiday et Cab Collaway.
Autant d’influences mixées par Caravan Palace lors de ce concert, pour un cocktail détonnant. Le guitariste Arnaud Vial et le contrebassiste Charles Delaporte passent allégrement de leurs instruments à corde aux synthétiseurs pour étoffer leur musique de sonorités électroniques. Idem pour le violoniste, Hugues Payen, qui enflamme la foule quand il se lance en scat où en passe-passe avec la chanteuse Colotis Zoé.
A la recherche de la facilité ?
Le musicien tunisien Haythem Belhassen alias Bloph a apprécié la performance de Caravan Palace. «Très bon concert. J’ai apprécié le mariage entre l’outil électronique et les instruments de musique manouche. C’était bien, sauf que la section électronique était saturée et ça a gâché le groove» nous confie le bassiste du groupe de reggae tunisien 814BC. De son côté, le musicien electro tunisien Zein Abdelkefi alias Hayej ne mâche pas ses mots.
«Ce sont de bons musiciens qui jouent une musique de merde. J’ai trouvé que leurs beats issus de la musique techno sont banales. Il n’y a pas de vraie fusion. Il s’agit plutôt d’un mélange (superficiel) des genres, mais concocté par de bons musiciens. C’est de la soupe commerciale à la MTV et compagnie» explique cet artiste adepte d’une approche plus expérimentale.
Radhouan de «Dub mil Kabba» n’a pas apprécié, lui non plus, la section electro de Caravan Palace. Son orientation (dub) et celle du combo français sont en conflit naturel. «On est dans un registre roots dont l’orientation est opposée à l’electro trance» dixit le rappeur.
Quant à Hayej, il se montre plutôt nostalgique : «Les organisateurs ont programmé Rokia Traoré l’année dernière. C’est une vraie musicienne, une vraie artiste. Mais ça c’est juste du chichi et mal-fait en plus. Les musiciens ont cherché la facilité. Et ça a fini par marcher avec le public» déclare Hayej, musicien electro.
L’Institut Français de Coopération cherche depuis quelques années à instaurer la tradition frenchie de la Fête de la Musique en Tunisie.
Jusque là, l’événement a été célébré dans notre pays avec des artistes africains à l’affiche. C’est l’artiste malienne Rokia Traoré qui a donné un concert à la Karraka en 2009. Kassav, le groupe de zouk antillais, a animé la fête de 2008. Mais en 2007, la scène de cette vieille prison devenue espace culturel a accueilli le saxophoniste camerounais Manu Dibango, auteur de la cultissime phrase musicale «Mama ko mama sa maka makoosa». Après ces figures incontournables de la musique africaine, voilà que l’IFC passe de l’afro au registre electro. La France, ferait-elle la promotion de sa scène émergente en Tunisie?
Thameur Mekki
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