L’un des rares romans arabes à avoir eu les honneurs du piratage a été adapté en feuilleton et passe actuellement sur une chaîne tunisienne. Dhafer el Abidine y joue un morceau de choix, sur une partition d’origine algérienne, orchestrée par un Syrien, et produit par des Emiratis.
«Mémoire de la Chair» «Dhakirat el Jassad» est l’un des rares romans arabes à avoir eu l’honneur du piratage. Le bouquin a été scanné et mis en ligne par quelques lecteurs, avant dêtre mis en ligne. En clair : il est disponible en téléchargement. Son auteure, Ahlem Mostaghanmi, est même considérée comme une star dans le microcosme des lettres arabes, où l’écrasante majorité des écrivains sont d’illustres inconnus Son dernier livre affiche une adresse web en guise de titre : nessyane.com. Le bouquin en question est même vendu avec un CD musical. De quoi lui trouver quelques affinités avec Tekiano
«Mémoire de la chair», l’un des romans les plus vendus dans le monde arabe, est diffusé sous la forme d’un feuilleton sur la chaîne Nessma. Avec des acteurs tunisiens comme Dhafer el Abidine ou Samira Magroun en tête d’affiche, des comédiens algériens comme Amel Bouchoucha (propulsée par la Starac), et le syrien Jamal Suleiman. A priori, de quoi booster laudimat, même en ces temps de vaches maigres, puisque Ramadan, le mois traditionnellement consacré aux feuilletons est terminé. Parce que les ouvrages d’Ahlem Mostaghanmi font partie des heureux élus: la plupart des librairies tunisiennes (plus actives dans la papeterie et les fournitures scolaires) en proposent toujours un ou deux titres. Des best-sellers, dans une région où le lecteur est une espèce en voie de disparition. Reste à savoir si la version télé aura autant de succès. Sur le papier en tout cas, tous les ingrédients sont réunis. Et il s’agit en plus d’une uvre résolument panarabe. Ainsi, le scénario est tiré d’un roman algérien, les acteurs maghrébins, et syriens (on aura remarqué le Damascène Jamal Suleiman), le producteur émirati. L’écrivaine algérienne ayant vendu les droits d’adaptation de son livre dédié à Dubai TV. Qui a dit que les romanciers méprisaient les nourritures terrestres tintantes et trébuchantes ?
«Dhakirat el Jassad» a été réalisé par un syrien d’origine circassienne, Najdat Ismaïl Anzour en l’occurrence. Un cinéaste qui a largement contribué à la mise sur orbite de l’audiovisuel syrien dès la fin des années 90, avec des séries comme Nihayat al-rajoul alchouja’a (adapté du roman éponyme de Hanna Mina) ou sa trilogie guerrière, «Al Kawasir», «Al Jawarih» et «Al Bawassil». L’homme qui a insufflé une seconde vie à un roman maghrébin en le transposant au petit écran nest donc pas le premier venu.
Et nous sommes, en l’occurrence, bien loin des pièces boudourou et des séries tout droit sorties des pages faits divers de notre presse de caniveau. Cest d’ailleurs dans ce (brillant) contexte, que ces séries soi-disant réalistes ont cartonné. Même si le cru de Ramadan 2010 a un persistant arrière-goût de bouchon. Mais voilà que les Syriens démontrent, une fois de plus, qu’un autre style est possible. Qu’une autre fiction peut-être produite, même dans des pays où on ne brille pas par la créativité et par la liberté de ton. On rappellera à cet égard que le roman dont est issu le feuilleton a été interdit par de nombreux Etats arabes pendant de longues années.
Mais ne gâchons pas notre plaisir. Voici que des acteurs tunisiens, jouent un morceau de choix sur une partition d’origine algérienne, orchestrée par un syrien, et produit par des Emiratis. Mais le téléspectateur moyen saura-t-il apprécier la symphonie ?
Lotfi Ben Cheikh
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