Sophia Baraket. Une photographie riche en émotions et détails puissants, mais surtout un commentaire poétique sur le monde contemporain : au cœur du regard de Sophia, l’humain se définit par une somme de petits motifs qui deviennent à leur tour un sujet, une brèche sur d’autres mondes.
Si elle a choisi l’effacement de l’artiste comme posture artistique, c’est pour mieux mettre en avant une image qui se perd dans un monde où paradoxalement l’image est omniprésente. Elle fusionne alors réel et virtuel, le regard d’hier et la réalité d’aujourd’hui. Logique, donc que l’on se ballade dans ses photos dans le mode du passé recomposé. Sophia mixe dans ses photos, le charme des objets vintage avec l’épure des lignes contemporaines. Elle a l’art de manier nostalgie et street life. Le lieu conserve l’ambiance populaire du quartier tout en imposant des concepts forts : murs bruts, meubles traditionnels , accessoire intimes. Sa photographie pourrait être vue comme un rendez-vous en terre inconnue. « Très difficile de tout montrer » dit-elle avec un sourire. C’est comme une sorte de rite initiatique via un détail qu’elle va isoler pour le rendre plus proche de nous. Elle joue sur cette névrose moderne des racines quoiqu’il en coute. Chez Sophia, c’est inné et furieusement contemporain : un mélange de vestiaire de mamie, d’accessoires preppy , et d’i-phone et de pc constamment en marche.
Gout du secret oblige, on sait peu de choses sur sa manière de travailler, si ce n’est qu’elle « compose » des photographies totalement originales. Du plan large, au zoom sur le détail, sa photographie respire. « Ma seule contrainte, c’est de rester libre ». On lui découvre un coté rebelle dans ses images délivrées du carcan formel des prises de vue avec une vibrante audace de ton.
Voici que dans sa dernière série de photos sur la révolution de la Tunisie, elle nous rend compte avec douceur et impertinence de ce à quoi ressemble la Tunisie de 2011. C’est pour cela qu’on l’aime: elle cherche à restituer des moments de vie, des états d’âme, des joies instantanées. Elle photographie notamment les personnes avec un naturel désarmant, mais qui colle quand même avec cette esthétique du fugace de l’Internet. Elle a profité de ce contexte, pour faire énormément de photographies: animée par une envie de saisir tout ce qui bouge, son regard est vif et boulimique. De long en large. Du sud de la Tunisie à Tunis. Du centre ville au Kram. De jour et de nuit. Et en noir et blanc ou en couleur. Paysans de l’intérieur, féministes et lolitas à la sauce bling bling , blousons noirs derrière des slogans, « cowboy » solitaire perdu dans une rue de Tunis, autant de personnages de la société tunisienne, capturés dans la révolution. Prélude du mouvement pour les droits civiques, essor de la ville-tentaculaire tunisienne, Sophia saisit la Tunisie en pleine mutation.
Mélancolique, poétique, la photo de Sophia est voyageuse, décadrée. « Je prends les photos dans ma tête avant de les prendre »avoue t’elle. Elle se veut tout de même positive. Le détail qui tue Sophia ? « Celui qui fait vivre. Soyons optimistes »
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Hayfa Kadhi
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