Les livres auparavant interdits, sont désormais fièrement exposés. Mais du chemin reste à faire. La main de fer de Zaba est toujours présente à travers des mesures de blocages persistantes qui retardent encore l’arrivage de livres en Tunisie. Mme Salma Jabbes, de la librairie Al Kitab témoigne.
Le peuple tunisien semble plus que jamais ravi de s’être débarrassé d’une langue de bois et d’une censure permanentes qui ont longtemps prévalu durant le régime de l’ancien dictateur Zaba. La preuve : qui aurait cru un jour, que l’on pourrait acquérir dans nos kiosques à journaux le «Canard Enchainé ? ». Mieux : il suffit de se promener du côté de l’Avenue Habib Bourguiba pour voir les badauds s’agglutiner devant la vitrine de la librairie Al Kitab afin d’entrevoir toute une série de livre auparavant interdits, mais désormais fièrement exposés ! Nous avons rencontré Mme Salma Jabbes, propriétaire de la librairie Al Kitab, qui nous en dit un peu plus sur cette nouvelle révolution culturelle dont la route n’a pas toujours été facile…
Une page de tournée…
«C’est formidable de pouvoir dorénavant mettre à disposition du public, tout un choix de productions littéraire. Il faut savoir qu’en plus d’être un métier extrêmement difficile, le libraire a beaucoup souffert de la censure. Cela a pratiquement occasionné la fermeture de presque la moitié des librairies tunisiennes et ce, depuis ces dix dernières années» souligne Mme Jabbes avant d’ajouter «au lendemain de la Révolution du 14 janvier, qui a donné lieu à la libération de la Presse, il nous a fallu nous battre pour que le livre puisse lui aussi reconquérir son, droit légitime».
En effet, il faut savoir que tout livre qui entrait sur le territoire tunisien devant auparavant obtenir une autorisation préalable du ministère de l’intérieur ! L’obstacle n’a été levé que suite à une pétition pour «la libération de l’importation des livres», signée par plusieurs milliers de militants et soutenue également par des organismes internationaux !
Bien que l’on arrive à trouver quelques spécimens de livres exposés et auparavant interdits (La régente de Carthage, La force de l’obéissance, Al Qaida Maghreb islamique, Le rire de la baleine, Coulée de plomb, Mon combat pour les lumières…), il reste «encore du chemin à faire» dixit Mme Jabbes qui précise en ce sens, que la main de fer de Zaba est encore présente à travers des mesures de blocages toujours présentes qui retardent constamment l’arrivage de livres en Tunisie. A l’heure actuelle on est obligé de passer par des transitaires en douane, de payer des frais de dégroupages, de magasinage… L’idéal serait que l’on arrive à se passer d’un dossier d’importation. On pourrait dès lors pouvoir commander directement n’importe quel livre par internet et le recevoir par colis postal en à peine 20 heures» assure-t-elle.
Embûches littéraires…
Par ailleurs, elle évoque brièvement quelques unes des péripéties à travers lesquelles elle est passée. «Le premier grand souci auquel nous avons été confrontés a été la sortie du livre ‘’l’Arabie Saoudite : Une dictature protégée’’ pendant les années 90. Cet ouvrage dénonçait l’enrichissement de la famille royale (ironie du sort ?). Seulement cela a fini par créer un incident diplomatique entre la Tunisie et le royaume qui a eu vent de cette parution inopinée».
Mais le summum de cette mascarade qui a fini par virer à la paranoïa, remonte sans doute à quelques mois. En évoquant ce dernier incident en date, la responsable ne peut s’empêcher de sourire : «Cela concernait cette fois un livre scolaire destiné à la mission française. On y trouvait une caricature de Ben Ali en compagnie de l’ancien président Jacques Chirac. Résultats des courses ? 500 policiers ont débarqué dans la librairie afin de saisir tout le stock de livres en notre possession ! Ils ont même réclamé la liste de nos clients ayant acheté le livre incriminé ! Inutile de préciser qu’on a refusé ! A partir de ce jour, on a subi un harcèlement constant de la part du ministère de l’intérieur avec l’obligation de passer par un contrôle systématique de tous les livres qui étaient épluchés consciencieusement…. ».
Cette oppression culturelle a pourtant été savamment contournée par certains internautes qui ont pu se procurer tant bien que mal, grâce à au livre numérique (e-Book), certains titres interdits. Une révolution technologique en soi, qui est à même de concurrencer de plus en plus le livre conventionnel. La libraire nous donne son avis sur la question : «Je viens d’acquérir un i-Pad afin de juger de la sensation que procure la lecture sur un écran ! Et bien j’ai été complètement déçue ! Cela ne sert à rien de comparer : ce que procure un livre, en plus de la sensation du touché de ces pages est unique».
En tout cas une chose est sûre, la responsable nous assure que plus aucun livre, qu’il traite de culture, de politique ou de religion…ne sera dorénavant interdit par l’Etat. «Grâce à cette démarche, le Tunisien auparavant opprimé et qui vient de retrouver son identité, finira par retrouver le goût de la lecture. Car il ne faut pas oublier que par nature, nous somme un peuple avide culture et de savoir».
Samy Ben Naceur
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