Des voix se sont élevées pour condamner cette tentative d’effacer des pans de la mémoire collective. Tag, flop, troop et graff sont à envisager comme une histoire. L’histoire de la Révolution. Zoom sur les signes qui ont envahi les murs de la Kasbah, avant de s’évanouir sous une couche de peinture.
Les tags des murs de la Kasbah ont fini par être effacés. La façade des bâtiments officiels a été rapidement ravalée, les murs blanchis. Des voix se sont pourtant élevées, notamment sur le Net pour condamner cette tentative d’effacer ce petit pan du mur de la mémoire collective. Un appel a été lancé par le cyberactiviste Azyz Amami pour garder au moins en partie, ces traces de l’histoire tunisienne en marche. Une page facebook intitulée «Ne touchez pas aux tags d’Elkasbah c’est notre patrimoine» a vu le jour. Les commentaires et les regrets fusent.
«Les jours du sit-in d’El Kasbah sont glorieux, les gens se sont exprimés directement, avec toute forme de support et toute couleurs, sur les murs». Doit-on, de ce fait, sauvegarder les quelques traces qui n’ont pas encore été effacées ? Une majorité clame haut et fort «La Révolution a désormais son Art». A ce propos l’artiste peintre, Oussema Troudi précise « ces traces ne suffisent pas à l’art, et ne dispensent pas les artistes de continuer le travail». Il ajoute, «c’est comme si, par exemple, on traitait une manifestation comme un happening ».
Cette forme d’art urbain ou street- art, n’est plus à discuter. Néanmoins, il est important de préciser que toute forme d’expression ne relève pas forcément de l’art. Zoom sur les signes qui ont envahi les murs de la Kasbah, avant de s’évanouir sous une couche de peinture.
Des styles de graphisme et de vie s’y expriment et créent un ensemble intéressant de formes et de couleurs. Tag, flop, troop et graff sont à envisager comme une histoire. L’histoire de la Révolution.
Les murs de la Kasbah ont donné la parole aux tagueurs et graffeurs. Depuis le début du Sit-in, les Tunisiens ont été très actifs sur la scène. Qu’ils ou elles signent sous un pseudo ou qu’à l’inverse ils ou elles revendiquent leur droits, ils ont su s’imposer entre autres par ces traces. Le message de ces Tunisiens engagés : défier tous les dangers pour exprimer leur passion de la Tunisie. Les traces évoquent sans faux-semblant la violence, le mépris parfois, et leur combat pour la liberté.
On a souvent assimilé les tags à une certaine forme de stigmatisation culturelle propre aux banlieues. Les traces de la Kasbah, et celles de la Révolution en général, traduisent une nouvelle tendance : la joie, les coups de gueule, le désarroi des Tunisiens appartiennent désormais à différents milieux socio culturels. Dans cette dynamique hors- la loi, on a assisté à une fureur de revendication. Les tagueurs pratiquaient cela à plusieurs, sans pour autant appartenir à des bandes organisées, comme l’idéologie du tag le préconise. Des nouveaux réseaux d’amitié se sont formés. Très vite le tag de la Kasbah est devenu l’expression d’une signature collective, prétexte à des créations plus complexes. Une communauté Kasbah invitait la couleur et les graphismes sur des pans entiers de murs.
Sur ce point, aucun doute, une forme d’expression subversive d’une personnalité tunisienne nouvelle, d’un particularisme révolutionnaire est née.
Haifa Kadhi
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