Les médias internationaux du calibre d’AlJazeera risquent de jouer les premiers rôles dans les prochaines campagnes électorales. Or nos chaînes télé libérés ne sont pas épargnées par le contexte révolutionnaire. La maîtrise des techniques de la communication en ligne peut se révéler un facteur décisif dans les prochaines élections.
La pêche aux voix a commencé. Seulement voilà : pour les premières vraies élections que connaîtra la Tunisie, il s’agira d’être équitable. Ainsi, il parait que le temps de parole accordé par les médias de masse classiques, (à savoir, la télé et la radio) à nos hommes politiques devra être calculé au plus près. Il ne faudrait surtout pas favoriser l’un ou l’autre. Certains évoquent même la création prochaine d’un organisme chargé de surveiller les passages radio et télés. Seulement, le problème, c’est que l’influence des médias nationaux a été largement rétrécie, pour des raisons de crédibilité, effet Zaba oblige. Et ce n’est pas en quelques semaines, que l’effet destructeur de Ben Ali et consorts va être corrigé, même au strict niveau médiatique.
Nos chaînes télé libérés ne sont pas épargnées par le contexte révolutionnaire. Problèmes de cadrage, de ligne rédactionnelle, de licenciements… Certains animateurs politiques phare se sont fait évincés (le cas de Soufian Ben Farhat, par exemple), ou choisissent de se recycler à la radio. Twitter a ainsi dument répercuté la nouvelle de la démission d’Elyes Gharbi de Nessma. Sans parler des événements qui ont touché Hannibal TV de plein fouet, et des rumeurs qui continuent de courir à son sujet. Autant de facteurs, donc, qui ne vont pas contribuer à rendre nos chaînes télé plus crédibles, plus influentes. On remarquera cependant que la chaîne nationale sous ses nouveaux atours, et rebaptisée AlWatanya connaît actuellement, sous sa nouvelle direction, un retour en grâce.
Impact d’AlJazeera
Toujours est-il que des chaînes étrangères comme Al Jazeera ont aujourd’hui un impact souvent plus important que nos propres canaux nationaux. Le passage télé d’un politicien tunisien sur de telles chaînes peut même avoir plus d’influence, sur nos urnes électorales, que sa présence sur une chaîne locale. Pourtant, si une chaîne allemande ou même belge invitait un politicien français, elle n’aurait qu’un effet marginal sur son parcours. A ce niveau, la différence avec le monde arabe est flagrante. Dans un contexte où les medias ont été malmenés, décrédibilisés, Al Jazeera règne en maître. Va-t-on pouvoir l’amener à appliquer des règles établies en Tunisie ? Certainement pas. Et il ne s’agit pas du seul acteur communicationnel incontrôlable.
Dévastateur effet Facebook
La Révolution Tunisienne s’est largement nourrie des réseaux sociaux, et de Facebook en particulier. Ce qui a amené certains analystes a évoqué la première révolution 2.0 de l’humanité. Dans le contexte politique international, Facebook n’est pas véritablement un débutant. Aux Etats-Unis, la campagne électorale d’Obama, a particulièrement mis à contribution le web. En d’autres termes, la maîtrise des réseaux sociaux, et des techniques de communication en ligne peut se révéler un facteur décisif dans les prochaines élections que connaitra la Tunisie.
Et en l’occurrence, nos médias classiques devront donc faire face à une double concurrence, à la fois au niveau national et international. D’un côté, on aura les chaînes satellitaires, qui ne tiendront pas compte des recommandations de nos instances, et d’un «CSA à la tunisienne». De l’autres, les cyberactivistes qui par définition ne sauraient reconnaître les règles d’un tel comité. Difficile à ce stade d’évaluer les taux de participation, et par delà, le poids électoral des jeunes. Mais s’ils sont mobilisés, l’effet Facebook risque d’être dévastateur. Avec ses quelques 2,5 millions de membres (autant que le RCD à l’époque de Zaba), c’est à coup sûr le premier parti tunisien. En clair, ceux qui auront le plus misé sur les réseaux sociaux finiront par gagner.
Lotfi Ben Cheikh
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