L’Agence Tunisienne d’Internet affiche désormais clairement la couleur. Même si c’est le Tribunal Militaire qui reconnait sa responsabilité. Voici que des mauvais signes annoncent quelques désenchantements. Le retour de la censure ne contribuera pas à redorer le blason de la Tunisie malmenée par les diktats de Ben Ali.
L’Agence Tunisienne d’Internet affiche désormais clairement la couleur. Même si c’est le Tribunal Militaire qui affiche sa responsabilité. Voici que des mauvais signes annoncent quelques désenchantements. Le retour de la censure ne contribuera pas à redorer le blason de la Tunisie malmenée par les diktats de Ben Ali.
Certains journaux en viennent à manquer, alors que l’on avait fêté leur retour. Ainsi, selon le site de Charlie Hebdo, «le distributeur tunisien craint que les couvertures de l’hebdo qui mettent en scène les religions lui créent des problèmes. Il nous a donc demandé de contrôler le contenu du journal avant de le mettre en vente ou non. Ce que nous avons refusé. Nous attendrons que la révolution et la laïcité l’emportent vraiment pour revenir en Tunisie». Résultat : Charlie Hebdo passera donc à la trappe, en Tunisie. On se souviendra tout de même que ce journal avait fait scandale en France pour avoir osé diffuser des caricatures du prophète de l’Islam. Toujours est-il que l’ambiance est plutôt tendue. Des rumeurs ont également vite circulé sur le journal tunisien “L’Expert”, disparu subitement de la circulation. Les interprétations ont vite fusé, mettant un cause défendant les thèses de Farhat Rajhi. Le directeur du journal, M. Abdeltif Ben Hedia a fini par démentir la rumeur. Mais la confiance ne règne plus tout à fait.
Cybermilitants censurés
La censure a sévi sur Facebook ces derniers jours, et pour des raisons qui n’ont pas grand-chose à voir avec la religion. Des militants de gauche comme Jalel Ben Brick ont vu leur page fan sur le réseau social mise hors d’atteinte du Tunisien moyen, pas nécessairement habitué à utiliser la panoplie du cybermilitant. Après tout, les proxies, et autres moyens de contournements ne sont pas nécessairement la tasse de thé de l’internaute lambda. Le groupe Takriz, connu pour sa critique virulente et ses positions radicales, a vu, lui aussi, sa page facebook devenir inaccessible.
Des journaux en ligne comme Tunisie Haut Débit, des blogueurs comme Mehdi Lamloum n’ont pas manqué d’ouvrir les débats. Sur twitter, la nouvelle configuration du Net tunisien commence à susciter des inquiétudes du côté des tn-tweeple. Dans un communiqué publié mercredi 11 mai, le ministère de la Défense nationale indique que “ces pages diffusent des séquences vidéo, des commentaires et des articles fallacieux dans le but de porter atteinte à l’institution militaire et à ses hauts cadres, à la confiance du citoyen à l’égard de l’armée nationale et à semer la confusion et le désordre dans le pays”. On notera que cette explication est intervenue quelques jours après la censure des quatre pages incriminées, à savoir celles de Jalel Ben Brick, Takriz, Youssef Patriote, Ouajih Badreddine.
L’ATI indique même sur une page web créée à cet effet, que “l’application de l’opération de filtrage web” est due à une “réquisition émanant du Juge d’instruction du Tribunal Militaire Permanant de Tunis”.
Qui sont les responsables ?
Si les appels à la violence peuvent et doivent être condamnés, assistons-nous pour autant au retour progressif d’Ammar 404 sous une autre forme plus policée, plus… militarisée ? Une chose est sûre: le retour de la censure ne contribuera pas à redorer le blason de la Tunisie malmenée par les diktats de Ben Ali. Le nouveau-né de la scène politique tunisienne, à savoir le Parti Pirate, a réagi à son tour sur twitter: il “condamne fermement le gouvernement tunisien pour la censure politique militaire surprenante sur les pages Facebook”.
On notera pourtant que jusqu’ici, le censeur du net tunisien agissait dans une zone grise. En somme, il avait tous les droits, et on ne lui devait aucune explication. Tekiano a du reste été censuré un bon nombre de fois sous Zaba, sans que l’on sache d’une manière claire et précise quelles ont été les lignes rouges franchies. Or dans la Tunisie d’après le 14 janvier, on ose espérer que ces pratiques sont désormais révolues, et abandonnées dans les poubelles de l’histoire.
Lotfi Ben Cheikh