Les Tunisiens savent pertinemment que «Qui casse le système…le paie ». Les majorettes pourront donc aller se rhabiller, l’honneur est désormais au bendir! Mais commençons tout de même par le commencement…
Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, la flute, le pipeau et les trompettes ont eu raison du méchant loup. Ceux qui se sont intronisés percussionnistes en chefs sous l’ère Zaba ont désormais droit à l’écoute en boucle de la bande son originale de sa calamiteuse fin de règne. Mais à quelque chose, malheur est bon. Cette Révolution aura au moins aidé le public à séparer le bon grain de l’ivraie. Et c’est l’indomptable Bendir Man qui s’est gardé une place sur le piédestal au moment de la chute des fiers-à-bras. Son nom squatte l’affiche, draine le public et braque les projos. Une semaine après le 14 janvier, il est programmé partout (quelqu’un a parlé de «don d’ubiquité» ?). A l’image de ses congénères Hollywoodiens, notre illustre super-héros national fait des siennes aux facultés, sur les planches du colisée, à la mythique rue St-Catherine de Montréal pour ne citer que ses conquêtes les plus récentes. Mais pour l’histoire, Tekiano va enclencher la machine à remonter le temps, pour vous relater une des tribulations de Bendir Man. Flash Back!
On est le 12 mai 2010. Il devait gravir la scène de l’Afric’Art, sise en plein centre ville de Tunis. Mais l’annulation n’a pas tardé à tomber tel un coup de massue le jour même du concert : Niet, était la réponse des autorités tunisiennes, prenant ainsi au dépourvu un public de 300 personnes. Et ledit évènement a été, depuis lors, reporté aux calendes grecques. Insolite! Car jamais le système n’a été aussi récalcitrant à l’égard de son acolyte de toujours, le bendir! Mais quand on nous apprend que la prestation fut proscrite pour des raisons de sécurité, les crédules sauront quand même relativiser…
Décidemment, le système ne trouve plus son compte dans les percussions du bendir, fussent-elles martelées par un téméraire endurci. Une rupture donc. Pourtant, les langues (de vipère) se délient évoquant plutôt l’adage «Entre deux bendirs, il faut choisir le moindre» dans le but de discréditer la riposte du système. «Qui casse le système le paye» ironiseraient d’autres (dés)abusés du système pour paraphraser un autre dicton. Et la flopée des mauvais jeux de mots jaillit de tous bords à n’en plus finir. Dans cette lignée, Bendir Man persiste et signe «Touche pas au système» dit-il sur une note décalée dans la chanson, et fait ensuite la part belle aux salamalecs pour regagner les faveurs de son dépositaire volage. Intransigeante, la démocratie tunisienne refuse obstinément de le rentrer dans son giron. Et pour cause : En Tunisie, le régime ne badine pas avec la sécurité de son peuple. Sans doute.
« Byrsa », le troisième larron?
Dès lors, la course au bendir a pris des allures de marathon au Canada (le 27 et le 28 mai) et en France (le 28 juin) où on a déroulé le tapis rouge à Bendir Man. Comme quoi nul n’est prophète en son pays! Non pas que ces pays se désintéressent de la sécurité de l’armada, mais parce qu’ils n’aient semble-t-il pas développé, jadis, de grandes affinités avec le panégyrique, à l’opposé du régime tunisien. Rectifions alors, ce n’était donc pas une rupture entre le système et le bendir, mais plutôt un dépit amoureux. Et tant qu’à faire, le mouvement «Byrsa» a saisi l’occasion pour mettre du baume au cœur du public, lassé des décisions capricieuses de son tuteur. En effet, pour narguer le système, «Byrsa» a fait appel au…bendir! Les majorettes, les laquais et consorts l’auraient pourtant convoité. Une autre fois peut-être…
A ce propos, Selim Ben Hassen, président du mouvement Byrsa et initiateur de l’idée du concert, ne lésine pas sur les explications «Nous étions tous déçus de l’annulation de la prestation de Bendir Man à Tunis. On a donc jugé opportun de l’inviter à se produire à Sciences Po le 28 juin, et de partager ensuite l’intégralité du concert sur la page Facebook de notre mouvement, pour que tous les Tunisiens qui en ont été privés puissent y avoir accès à partir de la Tunisie» a-t-il indiqué. Byrsa aura, somme toute, offert aux Tunisiens expatriés en France l’opportunité de renouer avec le bendir. D’ailleurs, l’amphithéâtre de Sciences Po Paris était plein à craquer. Et le public de 300 personnes a croqué la soirée! Pour l’occasion, Bendir Man a franchi la scène arborant un combiné pull-casquette mauves. Et à l’heure où certains sceptiques y verront de la frilosité, d’autres avertis comprendront que l’habit ne fait (vraiment) pas le moine… Même si les plus coriaces semblent reprendre du service, et risquent même de crever le bendir, en caressant le gouvernement “provisoire” (faut-il le rappeler?) dans le sens du poil. Ce qui hérisse les allergiques aux articles dithyrambiques qui n’ont pas totalement disparus de nos feuilles de choux et autres canards encore enchaînés.
Mohamed Jebri
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