Tunisie : L’ATI déclare la guerre à la censure

 

«Je ne veux plus filtrer les pages web et je ne veux plus avoir des équipements de censure chez moi. Je vais proposer un plan pour transformer l’infrastructure de restriction d’accès en outils permettant d’avoir des statistiques fiables sur l’usage d’Internet en Tunisie» dixit, le PDG de l’ATI.

L’Agence Tunisienne de l’Internet a organisé durant la matinée du 31 mai un point de presse au sujet du retour de la censure en Tunisie. L’occasion a ainsi permis à M. Moez Chakchouk, le PDG de l’ATI, de commenter la plainte déposée par trois avocats et qui vise à censurer le contenu à caractère pornographique sur la Toile. Au départ, M. Chakchouk a commencé par passer en revue les nouveaux enjeux de son équipe :

«Depuis la levée de la censure, le trafic a augmenté de 35 à 40%. Nous envisageons donc d’entreprendre cette nouvelle étape avec pour principaux mots d’ordres : Ouverture, transparence et neutralité. On va, à cet effet, conclure des partenariats avec plusieurs acteurs du domaine dans le but d’améliorer la qualité de nos services et satisfaire nos clients».

Zoom sur la censure de Zaba

Sur le problème de la censure, le directeur général de l’ATI a commencé par recenser les techniques de filtrage utilisées sous l’ère Zaba.

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«Les équipements de l’ATI ont été détournés par une tierce partie à travers une interface d’accès à distance pour censurer les sites qui donnaient du fil à retorde à l’ancien régime. Trois méthodes ont été employées pour exercer ce filtrage. La première consiste à lister les liens URL indésirables, et rediriger ainsi les requêtes des internautes vers la page d’erreur http 404, la deuxième technique repose sur l’utilisation du module Smart Filter, qui contient une base de données permettant la censure d’un bloc de sites par catégorie. Le dernier moyen étant le filtrage par mot clé» dixit Moez Chakchouk.

Le prix du bâillon

Interrogé par Nejib Belkadhi sur les coûts qu’impliquait l’acquisition de l’infrastructure implantée pour limiter l’accès vers les sites Internet, le PDG de l’ATI réplique : «L’agence Tunisienne de l’Internet débourse chaque année, et ce, depuis 2007 un pactole de 1.2 million de dinars pour maintenir les équipements et pour payer la licence de Smart Filter. Le problème est que ce montant est défrayé en devise. Cette somme varie en fonction de la bande passante consommée par les internautes. En d’autres termes, l’augmentation exponentielle du trafic à laquelle on assiste en ce moment fait grimper substantiellement la facture. Cette somme va, certes, être revue à la baisse, mais il faudra encore garder quelques outils pour empêcher l’accès aux sites pornographiques dans les institutions scolaires, suite à une demande formulée par le Ministère de l’éducation nationale. On va toutefois essayer de trouver un moyen pour partager les frais».

L’ATI ne veut plus censurer

Plusieurs journalistes sont intervenus pour demander des précisions sur le «filtrage» récent des pages Facebook ainsi que sur l’affaire en cours de la censure des sites pornos.

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«Je pense que cette polémique mérite plus de concertations. L’ATI ne veut plus être partie prenante dans la censure. Nous avons interjeté appel à la décision du tribunal de première instance et on va même aller en cassation s’il le faut. D’ailleurs, je dois souligner que le filtrage est techniquement très compliqué, au point que nos ingénieurs, guère familiers avec les équipements de censure, ont eu du mal à appliquer la demande du tribunal militaire pour empêcher l’accès aux 5 pages concernées par la réquisition. Il nous est aussi arrivé de refuser quelques appels du juge d’instruction, voulant empêcher l’accès à quelques vidéos publiées sur Facebook à cause de l’impossibilité de l’appliquer sans nuire à l’affichage de ces pages. On peut filtrer les adresses URL, mais pas le contenu» martèle Moez Cahkchouk. Il clame haut et fort «Je ne veux plus filtrer les pages web et je ne veux plus avoir des équipements de censure chez moi. Je vais proposer un plan pour transformer l’infrastructure de restriction d’accès en outils de monitoring permettant d’avoir des statistiques fiables sur l’usage d’Internet et le taux de visites sur les sites web».

L’avocat infiltré

Signalons au passage que le Me Monaem Turki, l’un des avocats qui ont déposé la plainte contre l’ATI pour censurer les sites pornos en Tunisie s’est aussi invité à cette conférence. Il a du reste bombardé Moez Chakchouk de questions ayant trait à l’aspect juridique de l’affaire, sans que l’assistance ne sache au départ à qui elle avait réellement à faire. M. Turki ne s’est dévoilé qu’à la fin du point de presse en serrant la main au directeur général de l’ATI en lançant avec un brin d’ironie «Je suis l’avocat qui a porté plainte contre l’entité que vous dirigez, vous ne m’avez pas convaincu [NDLR : juridiquement parlant] aujourd’hui. Mais je salue votre acharnement dans la défense de votre point de vue».

 

Mohamed Jebri

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