Creative Commons a organisé son troisième meeting de la région arabe à Tunis. Le concert «Sharing The Spring» a réuni une pléiade d’artistes arabes afin de célébrer la culture de libre partage. Premier volet d’une trilogie consacrée par Tekiano à cette initiative, cet article se penche sur les artistes tunisiens participants et adeptes d’une approche expérimentale acoustique.
Creative Commons a organisé son troisième meeting de la région arabe à Tunis. Le concert «Sharing The Spring» a réuni une pléiade d’artistes arabes afin de célébrer la culture de libre partage. Premier volet d’une trilogie consacrée par Tekiano à cette initiative, cet article se penche sur les artistes tunisiens participants et adeptes d’une approche expérimentale acoustique.
«Si le Baron D’Erlanger aurait su qu’on allait jouer cette musique ici, il n’aurait jamais laissé cet espace au Ministère de la Culture» ironise l’artiste tunisienne Badiaa Bouhrizi alias Neyssatou en s’installant sur la scène du Palais d’Ennajma Ezzahra, Centre des Musiques Arabes et Méditerranéennes (CMAM). La chanteuse issue de la scène underground tunisienne y a donné une performance, samedi 02 juillet 2011, à l’occasion de «Sharing The Spring». Il s’agit d’un concert fêtant la clôture du troisième meeting régional arabe de Creative Commons tenu à Tunis du 30 juin au 02 juillet organisé par l’emblématique blog collectif Nawaat. Plus de 10 artistes et groupes de musique venant de divers pays arabes et même des Etats Unis d’Amérique ont partagé la scène durant ce concert.
Barbaroots, reggae à l’harissa !
Place au reggae tunisien avec Hayder Hamdi du groupe Barbaroots juste après la performance du rappeur palestinien Aymen Mghamis. Il monte sur scène accompagné par Slim Abida à la basse et Tarek Agrebi à la batterie. Guitare en main, il se lance en scat improvisé sur un riff de reggae. Ses lyrics étalant les peines nord-africaines sont caractérisés par un ton satirique nous rappelant l’univers artistique d’autres groupes qu’a connu la scène underground tunisienne entre 2007 et 2009 à l’instar de Gultrah Sound System. L’influence des incontournables Gnawa Diffusion est claire. Les roulements de batterie enchainent, la fusion sonore se veut plus épicée. Et nous découvrons le rub-a-dub version Barbaroots enrichie par les mélodies du violon de Wissem Ziadi qui venait de rejoindre le combo. Malek Ben Halima rapplique avec ses percussions renforçant ainsi la section rythmique. Le passage des artistes s’est tenue dans une ambiance emprunte au jam. L’énergie positive a dominé au long de cette performance, honorant le premier commandement des artistes roots à savoir, «Good vibes, positive vibration».
Yram : la darbouka, dope du metal
«Wech halleyla heeey», cet avec ce cri festif inaugurant les soirées populaires -comme la tradition l’exige- que la performance d’Yram commence. Les rythmes de la darbouka se mêlent à ceux de la batterie. Les guitares électriques et la basse rappliquent. C’est du rock metal aux fortes épices rythmiques tunisiennes. Bienvenue dans l’univers sonore de Yram, signé «tunisian groove metal». «Rani Tounsi» est le second morceau interprété par le combo, un hommage en metal à la révolution tunisienne. «Le morceau suivant s’intitule «Waktech» [Quand?, traduit en français, NDLR]. Nous l’interprétons depuis des années. Ça y est la révolution tunisienne a répondu. Mais nous le jouerons toujours. Nous attendons encore que tellement de choses changent» clame Mehdi Jouini, le guitariste du groupe entouré par Mehdi Ghanem au chant, Ragheb Ouergli à la basse, Tarak Ghamgui à la batterie, Aziz Ben Abdallah à la guitare ainsi que Sami Mahbouli, special guest venant du groupe Barzakh pour amener un instrument essentiel dans le cocktail sonore d’Yram, à savoir la darbouka.
Neyssatou, le son de la rédemption
Atterrissage ! Les amateurs de voix suaves apprécieront le départ des sons noisy et… la performance suivante. La soprano tunisienne Alia Sallemi a présenté un morceau puisant dans l’expérimentation sonore. Sur un bruitage où la basse est dominante, elle a chanté une sorte de berceuse tourmentée par les soucis révolutionnaires célébrant la liberté, traumatisée par la brutalité. Mais Alia Sallemi n’est pas la seule artiste féminine de la soirée. Attendu par une bonne partie du public, Badiaa a rejoint les planches entourées par ses nouveaux compagnons de route artistique, son groupe, El Familia. Préservant sa flamme spirituelle et son univers roots, elle a commencé, guitare en main, par son morceau à riff reggae «Ya Galb». Inclassable, son escapade sonore s’intensifie avec le deuxième morceau «Manifesto». L’ambiance pittoresque -tissée entre le violoniste Wissem Ziadi, le batteur Tarak Agrebi, le bassiste Kais Fanni et Malek Ben Halima alternant entre percussions et guitare- s’est célébré avec «Salem», un appel musical à la rédemption et à la réconciliation avec soi.
Creative Commons a rendu hommage à l’underground tunisien en réunissant cette pléiade d’artistes tunisiens qui ont trouvé le libre partage de leurs créations sur le web social comme unique rempart face à une industrie culturelle low-cost détenue par un monopole soumis à la politique culturelle d’un régime inculte. Aujourd’hui, ces artistes tunisiens, adhéreront-ils à la culture open source par conviction ou serait-ce parce qu’il n’y a pas d’ultimatum?