Il est rare que quelqu’un s’affiche à la fois contre les islamistes et Nessma. Surnommé le mroufez, Baaziz l’a fait a lors du concert qu’il a donné avec Bendir Man, samedi 09 juillet, au Musée de Carthage dans le cadre du festival international de la place. Coup de gueule sarcastique de l’artiste algérien!
«Je ne suis pas un chanteur engagé, je suis plutôt un chanteur dégagé» disaient Baaziz au public lors des concerts qu’il a donné en 2010 en allusion à ses deux expulsions de la Tunisie dont la dernière date de 2008. Reconduit à l’aéroport par la police politique, le chanteur algérien était «indésirable» (selon le système) à cause de ses critiques envers le régime de Ben Ali notamment le fait qu’il a qualifié Zaba de «Kim Jong Zine», en référence au dictateur de la Corée-du-Nord. Dès le début de sa performance lors du concert où il partagé la scène avec Bendir Man, samedi 09 juillet à Carthage, l’artiste est revenu sur ces anecdotes.
«Les gens d’Ennahdha sont mignons»
En racontant l’une de ces aventures avec la police, Baaziz revient sur le fait qu’il était ivre, marque une pause et demande au public : «Il n’y a personne d’Ennahdha ici, hein? Autrement, je risque gros». Et il poursuit : «Avant, je chantais «Oh Tunisie La Verte, un flic derrière chaque arbre». Désormais, je chante «Oh Tunisia La Verte, un barbu derrière chaque arbre». Les temps changent». Accompagné par deux guitaristes, un batteur et un saxophoniste, Baaziz chante cet extrait sur la mélodie de la chanson populaire tunisienne «Ellommou Ellommou» en alternant avec le refrain du même morceau. Après cet intro, place à «The Best», un de ses premiers tubes où il s’amuse à poursuivre sa taquinerie en changeant l’une des rimes des paroles en citant Ennahdha. Et il pousse la provocation plus loin après l’interprétation de ce morceau : «On me dit que les gens ont peur des islamistes et qu’ils ne sortent plus. Vous êtes chanceux. Il faut que vous le compreniez… Les gens d’Ennahdha sont mignons. Vous ne connaissez pas vraiment les autres» lance-t-il au public en allusion aux extrémistes ravageant l’Algérie durant toute la période qualifiée de «la décennie noire».
D’un morceau à l’autre, Baaziz change de registre. «Allons, je vais arrêter d’être une grosse gueule. Je vais chanter une chanson d’amour» dixit le chanteur algérien. Mais après ce morceau folk, il ne tarde pas à revenir à sa vocation d’artiste contestataire avec «Bandia Wled Lehram». «Maintenant, tout le monde parle de la dictature. Même Nessma Tv dit des choses sur Ben Ali maintenant» ironise-t-il. Baaziz renchérit en évoquant les frères Karoui dans une légère modification dans un passage du texte de sa chanson à forte tendance country. Et le mroufez se trouve toujours un chat à fouetter. Son morceau «La neige tombe», ballade en mémoire des victimes du terrorisme des groupes salafistes djihadistes en Algérie sévissant durant les années 90 après l’échec de la Révolution que nos voisins ont fait en 1988.
Ennemi juré de Nessma et des extrêmistes
«Je dédie cette chanson à tous les martyrs de la Tunisie, de l’Algérie et du Monde Arabe» clame-t-il avant d’interpréter «La neige tombe». Encore une fois, il modifie les paroles du morceau pour les adapter aux soucis de son public. Au lieu de «Vous avez pris Maâtoub notre frère, mais l’Algérie vous ne l’aurez jamais», Baaziz chante avec un feeling intense: «Vous avez pris Maâtoub notre frère, mais la Tunisie vous ne l’aurez jamais». «Djbel ma bin ledjbel», «Lahmam» et «Je m’en fou», l’artiste algérien étale son répertoire toujours en ridiculisant au passage les chanteurs de pacotille qui défilaient sans cesse sur la scène de Carthage tout au long des dernières éditions du festival.
Dans un jam vers la fin du concert, l’artiste algérien et Bendir Man ont chanté la version baazizienne de «Rock Collection», le tube français de Laurent Voulzy. Rabah Deriassa, Bouteflika, le gouvernement tunisien, le RCD, Cheb Khaled, Gaddafi, Ben Ali ou encore George Bush, les deux francs-tireurs ont ouvert leur feu satirique. Même Nebil Karoui, PDG de Nessma TV, y est passé avec une parodie de la chanson diffusée sur Nessma en soutien à Zaba durant les élections présidentielles de 2009.
«Certains disent que moi et Bendir Man ne sommes pas des chanteurs. Il faut chanter «ya habibi» pour que nous soyons considérés comme tel» lance Baaziz au public. De toutes les façons, un artiste-citoyen, aussi francs-tireurs qu’il pourrait-être, vaut mieux que les fous du roi, adeptes de technicité, pullulant sur nos scènes dans le passé… et dont certains sont encore présent.
Thameur Mekki
Plus : Actu TopNews