Quelques partis politiques et divers militants de la société civile sont, par centaines, devant le lieu où siège l’Assemblée Constituante. Les Tunisiens sont là, histoire de veiller à ce que leurs élus n’oublient pas leurs priorités et leurs intouchables acquis. Et les minorités cherchent à faire entendre leurs voix. Vigilance citoyenne maximale !
Il est 11h du matin. Nous sommes le mardi 22 novembre, une journée historique en Tunisie. Plus de 2000 personnes manifestent devant la Chambre des Députés, dissoute suite à une décision du conseil des ministres du gouvernement provisoire tenue en mars dernier. Désormais, place à l’Assemblée Nationale Constituante, première autorité démocratiquement élue par le peuple dans l’histoire de la République Tunisienne. Et c’est sur le rythme des revendications de citoyens bien vigilants et déterminés à maintenir leurs acquis, considérés en précarité. En ce premier jour de travail de l’Assemblée Constituante, le peuple a montré qu’il ne laissera personne mettre la main sur ses droits. Les chiens de garde de la liberté montrent les crocs et ne se laisseront pas se faire embobiner par de bonnes paroles.
Au Bardo, municipalité située à l’ouest de la capitale tunisoise, la foule est, en partie, issue des activistes de divers partis politiques. Parmi les formations les plus visibles, on remarquera la présence des activistes du Parti Communiste des Ouvriers Tunisiens (PCOT) et ceux des récents partis d’Attaliâa ou encore du Mouvement du Baath, deux organismes politiques reconnus légalement après le 14 janvier.
Toutefois, la majorité des manifestants sont issus de l’effervescente société civile tunisienne enrichie par des dizaines d’associations depuis la fuite du dictateur déchu et le début de la transition démocratique en Tunisie. Parmi les organismes fortement présents, on citera Amnesty International, l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD), l’association «Le Manifeste du 20 Mars» ou encore de naissants réseaux citoyens à l’instar du Mouvement du 24 Octobre pour les Libertés et la Citoyenneté.
Les valeurs progressistes sont les plus revendiquées par les manifestants. «Egalité entre hommes et femmes», «Il n’y a pas plus sacré que la liberté», «Mon Dieu, mon droits, mes acquis», «Travail, liberté et dignité nationale», «Touche pas au Code du Statut Personnel», ce sont les slogans les plus plébiscités sur les enseignes brandies par les manifestants.
La journée a été épicée par des débats enflammés entre certains islamistes et des progressistes. Il n’y a pas eu de violence à signaler, mis à part, les bousculades de Souad Abderrahim, députée du Mouvement d’Ennahdha attaquée pour ses propos hostiles à l’égard des mères célibataires et sa déclaration par rapport à la modification de la loi relative à l’adoption dans le Code du Statut Personnel. Sofiane Ben Hamida, chroniqueur chez Nessma Tv, controversé pour ses positions exprimées contre le Mouvement d’Ennahdha, a également été bousculé par un groupuscule d’islamistes.
Libertés individuelles, jugement des assassins des martyrs de la Révolution, droits de l’Homme, abolition de la peine de mort, refus de la normalisation avec Israël, opposition à toute ingérence étrangère dans les affaires internes de la Tunisie, c’est autour de ces thèmes que s’articulent les revendications de la foule. Et la pointe d’humour habituelle des Tunisiens n’a pas manqué à ce rendez-vous, notamment, avec diverses caricatures de l’émir du Qatar, Hamad Bin Khalifa al-Thani dont l’éventualité de sa présence a suscité une grande controverse dans la société tunisienne. Il est bien clair que le peuple tunisien use de tous les moyens quand sa liberté, ses droits et sa souveraineté sont menacés. Attention messieurs les membres élus de l’Assemblée Constituante, le vote n’est pas un chèque blanc. Les manifestants sont là pour le rappeler.
Thameur Mekki
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