Tunisie : Ennahdha, verrouillage sur l’information !

 

Les constituants nahdhaouis sont pour la confidentialité des PV des commissions de l’Assemblée. Jebali parle de «médias gouvernementaux» et non pas de service public. Et Ghannouchi n’aime pas qu’on parle des trains qui n’arrivent pas à l’heure. S’agit-il d’une intention de blocus sur l’info ?

hamadi-jebali-301211«Silence, on travaille !», un slogan digne de résumer les multiples déclarations et prises de position du Mouvement Ennahdha. Durant les discussions du règlement interne, certains députés du parti islamiste ont plaidé pour la confidentialité des PV formulés à l’issue des travaux des commissions internes de l’Assemblée Nationale Constituante. Ils ont également plaidé pour l’interdiction des téléphones portables lors des réunions de ces commissions. Leur argument? D’éventuelles fuites relayées par les médias.

De leur part, certaines voix de l’opposition ont défendu la transparence totale. Il y a même des alliés d’Ennahdha qui ont plaidé pour. Visant à promouvoir l’open governance, Mabrouka Mbarek et Haythem Ben Belgacem du Congrès pour la République (CPR) ont porté une initiative rassemblant des constituants du Pôle Démocratique Moderniste (PDM), et d’Ettakatol (FDTL). De leur côté, les Nahdhaouis ont argumenté que la confidentialité est une règle adoptée par certains démocraties.

Or, ces «démocraties» vivent une crise dont le plus grand manifeste est les multiples mouvements d’indignation appelant à la démocratie participative. A savoir que l’un des fondamentaux de ce mode de gouvernance est la transparence. Il suffit de voir le chemin pris par l’Assemblée Constituante de l’Islande pour prendre conscience des vertus de la transparence totale. Une expérience où l’accès libre aux documents élaborés par les constituants a permis aux citoyens de contribuer à l’écriture de leur nouvelle Constitution.

Mais le Mouvement Ennahdha n’est pas à sa première prise de position hostile à la libre circulation de l’information. M. Hamadi Jebali s’est déjà exprimé, dans une interview diffusée le 19 décembre sur la Radio Nationale, en faveur d’une approche liberticide dans la régulation du secteur médiatique (voir notre analyse). Quant au président de ce parti, Rached Ghannouchi, il a accusé les médias tunisiens de «diffuser de la fumée noire» et du «pessimisme». «Ces médias diffuse un seul son de cloche : le pays se dirige vers une catastrophe causée par Ennahdha» affirme-t-il lors d’un meeting de la section de Bab Bhar-Tunis de son parti. Il est clair que Ghannouchi ne veut pas d’infos sur les trains qui n’arrivent pas à l’heure, même si en parler est l’essence de la mission des médias. Les propos des deux leaders nahdhaouis ont causé l’indignation du Syndicat National des Journalistes Tunisiens, une colère exprimée dans un communiqué publié le 27 décembre.

Il semble que le Mouvement Ennahdha a oublié que la libre circulation de l’information est l’une des revendications d’une Révolution qui a failli être étouffée par l’appareil de propagande de Ben Ali. Il semble qu’Ennahdha a oublié que l’ère du «Silence, on gouverne» est révolue.

 

Thameur Mekki

Print Friendly, PDF & Email

Plus :  Medias   TopNews



  • Envoyer