Gay Day, blog dédié à la communauté LGBT tunisienne, a suscité une vive polémique sur le Net, depuis que la Une d’un magazine éponyme circule sur les réseaux sociaux. Pour en savoir plus sur l’activité de Gay Day, sa réaction à la déclaration de Samir Dilou, son regard sur la société tunisienne et sa communauté, Tekiano a interviewé Fadi, fondateur de Gay Day.
Tekiano : Que pensez-vous de la déclaration faite par Samir Dilou au sujet de GayDay lors du numéro de l’émission «Saraha raha», diffusé sur Hannibal Tv, samedi 04 février ?
Fadi : On s’attendait à une telle réponse. L’homosexualité en Tunisie, comme dans plusieurs pays du monde, est encore camouflée par certains clichés et préjugés. Ce qui nous a déçu le plus, c’est quand il a avoué être contre notre liberté d’expression même s’il est un ministre des Droits de l’Homme. On pense que c’est grave venant d’une personne occupant un tel poste.
Après tout, Gayday est un journal électronique dont la mission est de parler des individus LGBT. Nous voulons préserver ce petit espace virtuel qui servira, petit a petit, à faire comprendre que l’homophobie n’a aucun sens et qu’elle est un choix contrairement à l’homosexualité. Nous étions submergés par des messages de soutien venant d’un peu partout en Tunisie et des sympathisants d’autres pays arabes et occidentaux. Les Droits de l’Homme sont liés aux droits des gays. L’orientation sexuelle fait l’objet de discrimination comme la couleur de peau et la religion et nous sommes déterminés à continuer à défendre nos droits et notre dignité.
Comment est né Gay Day?
Gay Day est un blog dédié aux sujets liés à l’homosexualité. C’est une plateforme interactive favorisant les échanges aidant la communauté LGBT (Lesbienne, Gay, Bisexuel et Transgenre) à surpasser les conflits cognitifs et interpersonnels lié à leur orientation sexuelle. Le blog est né comme une réponse à un sens d’angoisse et de pression sociale suffocante. Il espère pouvoir améliorer la situation des personnes gays en s’engageant dans un dialogue permettant à faire comprendre qu’il ne s’agit pas d’une déficience mentale mais plutôt d’un état tout à fait naturel et que l’orientation sexuelle n’est qu’un petit paramètre de différence humaine tout comme la couleur de la peau, l’ethnie ou la religion, tous inscrits à respecter dans les chartes des Droits de l’Homme.
Il est noté que Gay Day a été lancé en mars 2011. Cet intérêt pour la communauté LGBT en Tunisie est-il récent ?
Les activistes et militants de droits de l’homme et des droits des personnes LGBT ont été toujours actifs en Tunisie en s’entraidant et en partageant les news qui les intéressent. Peut-être les efforts les plus visibles, aujourd’hui, sont celles des pages Facebook appelant à la dépénalisation de l’homosexualité et autres qui ont comme mission de parler de la culture gay et sensibiliser la communauté de ses droits et des problèmes de santé. Il y a aussi, depuis quelques années un certain nombre de blogs et une radio web. Mais faute de pression sociale et d’homophobie, ils n’ont pas beaucoup avancé.
Gay Day est édité par une association, un éditeur de presse ou des bénévoles?
Verra-to-on Day Gay prochainement dans les kiosques ?
Pour le moment on espère se développer en un site de news plus performant avec une équipe restreinte et active. Mais cela dépend de l’argent. Une version papier dans les kiosques semble une idée très optimiste. On pense qu’on a encore un long chemin de plaidoyer à parcourir pour nos droits avant qu’un magazine pareil soit mis sur le marché.
Comptez-vous travailler sous des pseudos, donc sous couvert d’anonymat ?
En tant qu’activistes et bénévoles, on garde toujours notre anonymat. On continue à recevoir chacun des menaces de mort presque tous les jours. Peut-être, un jour, on pourra cesser de jouer la double vie, faire tomber les masques hétéros et s’afficher ouvertement mais cela ne se produira sauf lorsque les gens apprennent qu’accepter les individus gays ne changera pas le peuple en homosexuels. C’est un état naturel, on est né comme ça. On ne le devient pas.
L’article 230 du code pénal tunisien condamne l’homosexualité. Ne-pensez-vous pas que cela risque de vous créer des problèmes, notamment dans le contexte actuel que traverse la Tunisie ?
L’article 230 condamne malheureusement les rapports sexuels entre deux adultes consentants et du même sexe. Nous ne sommes ni en train d’afficher du contenu pornographique ni en train d’attaquer le sacré religieux de la population. Nous sommes des musulmans croyants et certains d’entre nous sont pratiquants. On échange des news qui nous concernent et on essaye de plaider nos droits et ceci n’est contre aucune loi.
Y’a-t-il des projets d’avenir autour de GayDay ?
Jusqu’à maintenant on essaie de s’organiser un peu plus et répondre mieux aux feedbacks reçus. On essaye de collaborer plus avec ‘Tunisia Gays’, un web radio pour la communauté LGBT.
Propos recueillis par Sarah Ben Hamadi