La Cour de Cassation statue cette semaine, sur le pourvoi formé par l’Agence Tunisienne de l’Internet, contre le jugement rendu au terme du procès qui l’oppose à un groupe d’avocats voulant censurer les sites pornographiques. C’est ce qu’a affirmé l’ATI sur son compte Twitter.
On pensait avoir enterré Ammar 404 avec la chute de Ben Ali, mais quelques semaines après la levée de la censure sur Internet, un groupe d’avocats a décidé de porter plainte contre l’Agence Tunisienne d’Internet (ATI). Motif ? Ces hommes en robe noire veulent obliger l’ATI à se charger de nouveau de la censure.
L’ATI, symbole de la censure sous Ben Ali, compte bien changer de réputation et de mission. Son nouveau PDG, Moez Chakchouk est bien déterminé à faire oublier les anciennes pratiques. Il ne cesse de le répéter à chaque fois qu’il en a l’occasion : «l’ATI est déterminé à agir, en tant que point d’échange Internet d’une manière transparente et neutre».
Mais la bonne volonté de l’ATI ne suffit pas pour réussir cette transition. Le 26 mai, le tribunal de première instance donne raison aux avocats plaignants. C’est le début d’un bras de fer judiciaire entre les deux parties. L’ATI fait appel pour contester le fondement juridique du jugement prononcé. Le 13 juin, le juge de la cour d’appel refuse la demande de l’ATI concernant la suspension du jugement en référé du tribunal de première instance de Tunis. Deux mois plus tard, le 15 août, la cour d’appel de Tunis se prononce à l’encontre de l’ATI. L’Agence Tunisienne de l’Internet, tient à aller jusqu’au bout, et fait recours devant la cour de cassation.
Le jugement qui sera prononcé au cours de cette semaine concernant la censure des sites pornographiques est très attendu. Si l’ATI perd ce procès, elle reprendra son rôle de censeur et pourrait être amenée à filtrer tout contenu jugé contraire à la loi. D’ailleurs Moez Chakchouk ne cache pas l’existence d’autres plaintes. Il affirme dans une interview publiée sur Nawaat «Il y a déjà d’autres plaintes déposées contre l’ATI pour demander le filtrage d’autres contenus (…) Nous avons reçu des plaintes pour censurer une trentaine de pages Facebook».
Rappelons qu’en plus de ce procès concernant les sites web à caractère pornographique, l’ATI a dû se conformer à la décision du Tribunal militaire de filtrer cinq pages très critiques envers l’armée nationale tunisienne au mois de mai 2011. Le filtrage a commencé avant d’être arrêté pour des raisons techniques, précise M. Chakchouk dans cette même interview.
Paradoxe de la révolution tunisienne, l’Internet tunisien attend d’être fixé sur son sort auprès de la Cour de Cassation, et l’Agence Tunisienne de l’Internet se bat pour garder sa neutralité et son indépendance. Le jugement qui sera rendu sera lourd en conséquence et risque de faire jurisprudence.Croisons les doigts!
Sarah Ben Hamadi
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