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Tunisie : Attounissia, de la prison de l’info à El Mornaguia

La photo publiée à la Une du quotidien arabophone Attounissia, mercredi 15 février, a conduit le directeur du journal derrière les barreaux de la prison civile de Mornaguia. Le jour même de sa publication du numéro en question, l’information était sous les verrous chez ce quotidien. Blackout !

 

La photo publiée à la Une du quotidien arabophone Attounissia, mercredi 15 février, a conduit le directeur du journal derrière les barreaux de la prison civile de Mornaguia. Le jour même de sa publication du numéro en question, l’information était sous les verrous chez ce quotidien. Blackout !

Le juge d’instruction a émis, jeudi 16 février, un mandat de dépôt à l’encontre de Nasreddine Ben Saïda, directeur général du quotidien arabophone pour avoir publié la photo du footballeur allemand aux origines tunisiennes Sami Khedira accompagné d’une mannequin à moitié nue. Le rédacteur en chef Habib Guizani et Mohamed Hédi Hidri, journaliste ayant écrit l’article illustré par la photo en question ont été libéré, hier après midi, après presque 24h de garde à vue. «Atteinte aux bonnes mœurs portant des risques de troubles à l’ordre public» est le principal chef d’accusation formulé sur le fond de l’article 121 du code pénal, une loi liberticide par son caractère opaque donnant libre cours à différentes interprétations et applications.

Notre couverture de cette affaire, ou plutôt notre tentative de la couvrir, révèle une autre facette de l’exercice journalistique dans notre pays : Comment les médias communiquent? Comment le personnel d’Attounissia a réagi suite aux arrestations ? Comment un média peut envoyer un journaliste se balader ? Plongée dans le quotidien d’un journaliste. Immersion dans un labyrinthe à la recherche d’une simple information sous les verrous d’un blackout médiatique exercé par un média.

Labyrinthe nommé Attounissia

Il est 11h, mercredi matin. Une information circule dans les couloirs du Palais de la Justice de Tunis. L’écho nous arrive : le ministère public a ordonné une enquête suite à la publication d’une photo considérée choquante à la une d’Attounissia. La possibilité de suspendre l’activité du journal, et donc son impression, est évoquée. Pour vérifier l’info, nous commençons par contacter, par téléphone, l’imprimerie «Dar Attounissia». «Nous n’avons aucune info là-dessus. Tout se passe normalement ici» répond-t-on avec concision avant de raccrocher.

Exit l’imprimerie. C’est le 7 bis, rue Docteur Alphonse Laveran – Tunis, siège du journal «Attounissia», qu’il faut appeler. Il est presque midi. «Nous ne savons rien sur le sujet. Le Directeur Général n’est pas là, le Rédacteur en Chef non plus. Nous n’avons pas d’infos sur le sujet. Rappelez plus tard» nous répond la standardiste. 45 minutes plus tard, rappel. Les deux hommes à la tête du quotidien ne sont pas au siège. «Puis-je parler à un autre responsable, s’il vous plait? Le secrétaire de rédaction par exemple?» demandons-nous.

Après une hésitation et quelques questions sur le motif de notre appel (déjà annoncé et expliqué), la discussion est interrompue par une musique d’attente. Une voix masculine intervient agressivement. Rien à dire sur le sujet. «Nous ne savons pas de quoi vous parlez. Rappelez le directeur plus tard» nous répond un homme en rogne. Il tient à ne pas révéler son identité ni sa fonction chez Attounissia. Après que nous ayons insisté, il répond avec rejet : «Quand vous allez parler au directeur, vous allez savoir qui je suis».

Arrivée à l’impasse

Nous contactons le rédacteur en chef sur sa ligne mobile. Ça sonne, sans décrocher. Rappel 30 minutes après au siège du journal, pas de réponse. Rappel 1h, 2h après, toujours pas réponse. Nous finissions par admettre que la ligne téléphonique du 7 bis, rue Docteur Alphonse Laveran – Tunis, siège du journal «Attounissia», est une impasse. Evidemment, le directeur n’a pas rappelé à son retour comme nous l’avait promis la standardiste. C’est normal, le directeur n’est pas revenu.

Changement d’orientation. C’est sur la ligne perso d’un des journalistes de ce quotidien qu’il faudrait appeler. «La police est là depuis ce matin. Ils ont quitté vers 14h. Ils sont venus assurer la sécurité parce qu’on a reçu plusieurs appels menaçants. Ils sont aussi venus en savoir plus sur l’objet de ces appels» nous informe Aymen Rabâi, journaliste chez Attounissia. A 16h, la nouvelle concernant le lancement d’une enquête sous ordre du ministère public est annoncée sur Mosaique Fm par son collaborateur Mongi Khadhraoui lors d’une correspondance du tribunal. Finalement, il est nettement plus facile d’avoir l’info chez un l’appareil judiciaire, connu par son mutisme plutôt que chez le journal concerné.

Résultat des courses : chers Tunisiens, si vous voulez confirmer une information en cas de crise, ne comptez pas trop sur les médias, moins sur les patrons de presse, surtout pas sur «Attounissia».

 

Thameur Mekki

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