Jeudi 12 avril au soir, une lettre de Belhassen Trabelsi surgit. Celui qu’on surnomme le parrain de la mafia, en fuite au Canada depuis le 14 janvier 2011, déclare avoir le mal du pays. Il demande pardon au peuple tunisien et se dit être prêt à rentrer en Tunisie.
«Nous nous trompons tous, mais il faut que l’on demande pardon, si l’on est sincères et cette lettre n’est qu’une tentative de ma part pour m’excuser et demander pardon, bien que je sache que je suis aux yeux des Tunisiens, pour ne pas dire tous les Tunisiens, le criminel qui a pillé le pays et spolié les gens avant de partir.» Mea Culpa de Belhassen Trabelsi? Non pas vraiment, le grand frère de Leila Ben Ali accuse les médias de l’avoir «volontairement ou pas», dénigré et fait de lui le symbole de la corruption de l’ancien régime, mais aussi ses anciens collaborateurs et associés qui ont porté contre lui des plaintes «infondées», bien que leur relation était basée sur la confiance, et d’ailleurs « des documents » vont prouver cela, d’après ses dires.
Mais pourquoi demande-t-il de rentrer pour être jugé en Tunisie ? Quand on sait le nombre d’affaires de corruption, abus de confiance et autres dans lesquelles il pourra être jugé, et le nombre d’années de prison qu’il encourt, si justice est faite… Et c’est évidemment là, où on est en mesure de se poser des questions sur la justice transitionnelle. En fait, la lettre de Belhassen Trabesli vient de nous rappeler les lacunes judiciaires : l’absence – jusqu’à aujourd’hui – d’une loi relative à la justice transitionnelle en Tunisie. Toutes les affaires qui le concernent sont des affaires qui touchent le monde des affaires. Serait-ce dans ce type d’affaires que les arrangements politico-mafieux se font le plus?.
Belhassen Trabelsi dit que l’exil lui fait très mal et il veut rentrer en Tunisie, «qu’elle que soit le prix à payer». Mais quel sera véritablement le prix ? Le petit neveu, Imed Trabelsi, poursuivi dans plusieurs affaires (acquisition de biens mobiliers et immobiliers, chèques sans provision, transferts illicites de devises à l’étranger, trafic de stupéfiants…), cumule plus de 20 ans de prison. Que dire alors du boss du cartel Trabelsi, celui qu’on accuse d’avoir pillé le pays?
Aurait-il eu des garanties de ne pas encourir une lourde condamnation ? L’hypothèse n’est pas à écarter, surtout quand le même jour, son beau-père Hédi Jilani, déclare sur les ondes de la radio Shems FM à propos de ses excuses exprimées il y a quelques mois : «M’excuser était une grave erreur.». Il estime qu’il s’est excusé pour des choses qu’il n’a pas faites. «La plupart des gens savent que je suis innocent et que je crains Dieu » a-t-il avancé. Excès de confiance ou justice « très » conciliante dans les crimes économiques?
Après que le Premier ministre Hamadi Jebali ait déclaré que «les relations avec l’Arabie saoudite sont plus importantes que l’extradition de Ben Ali», que les Editions du Moment aient décidé de publier un livre de Leila Ben Ali où elle racontera sa « vérité », que Belhassen Trabelsi ait envoyé une lettre pour exprimer son souhait de rentrer en Tunisie, je me demande, si on n’est pas en train de faire un mauvais rêve…
Sarah Ben Hamadi