Derrière un grand monsieur timide et calme se cache le gouverneur de Normalland, un blogueur qui avait commencé à créer un nouveau monde sur son blog dès 2006. Wissem Tlili, 34 ans, assis dans un fauteuil à l’hôtel International, raconte comment sa vie a changé depuis qu’il a rejoint l’équipe des conseillers de Moncef Marzouki.
Derrière un grand monsieur timide et calme se cache le gouverneur de Normalland, un blogueur qui avait commencé à créer un nouveau monde sur son blog dès 2006. Wissem Tlili, 34 ans, assis dans un fauteuil à l’hôtel International, raconte comment sa vie a changé depuis qu’il a rejoint l’équipe des conseillers de Moncef Marzouki.
Pourtant Wissem Tlili est bien plus qu’un simple blogueur. Originaire de Djerba, il suit un parcours d’abord classique, décroche un BTS d’informatique de gestion et un master en lettres dans une université parisienne. Doctorant en anthropologie politique, il poursuit parallèlement sa passion : la réalisation, en participant au concours de la prestigieuse école française de cinéma : la Fémis. La réalisation reste la première passion pour Wissem, qui monte pour la première fois de sa vie les marches du festival de Cannes avec son court métrage Perversions en 2006, un court-métrage satyrique sur les méfaits de la Télé-Réalité. Il est politisé mais se tient à l’écart d’un engagement militant jusqu’à la chute de Ben Ali.
Son premier contact avec Marzouki, ce sera juste avant les élections tunisiennes de 2009, lors d’un colloque à Paris où beaucoup d’opposants Tunisiens sont réunis pour commenter des résultats déjà connus de tous. Il voit dans la figure du militant des droits de l’homme «déterminisme et clairvoyance». «Pour moi il a su faire à l’époque un diagnostic très clair de la situation en Tunisie : entre l’implosion ou l’explosion.» Marqué par cette rencontre il rejoindra ensuite le CPR.
Pendant la révolution, Wissem s’engage peu à peu, continuant son activité de blogueur, il observe les vidéos qui circulent, les connexions avec les médias étrangers, le partage immédiat d’informations. Actif au sein de la cellule Internet du CPR, il encouragera comme d’autres jeunes militants, les anciens membres du CPR, à exploiter les potentialités du web. Internet et les réseaux sociaux joueront ainsi un rôle essentiel pour la campagne électorale de Marzouki. Wissem fait alors partie de ces jeunes Cpristes dont l’espoir est que le pays change en profondeur. Lorsqu’on lui propose après l’élection à la présidence d Marouki, de rejoindre le Palais de Carthage, il n’hésite pas et suit dès le 1er janvier 2012, son mentor, Imed Daïmi qu’il admire tout autant que le Président.
Aujourd’hui, la révolution a été faite depuis longtemps au sein du palais. Une bonne ambiance générale règne et Wissem trouve rapidement ses repères au sien de l’équipe qui gravite autour du président, composée essentiellement de jeunes. Même si sa nouvelle tâche lui prend tout son temps, il ne perd pas de vue un de ses centres d’intérêts : la culture. Le 6 avril, on pouvait croiser Wissem à la maison de la culture Ibn Rachiq en train de superviser l’accrochage de photographies d’Habib Bourguiba, trouvées dans les archives du palais de Carthage. Et il a d’autres projets en cours, rouvrir la salle de théâtre au sein du Palais afin de promouvoir des nouveaux talents ou encore le projet de musée consacré à Bourguiba, à Monastir. Cependant, dans ses missions, Wissem s’occupe aussi d’une tâche beaucoup plus difficile, l’image du président. «Le mot d’ordre, c’est transparence et dynamisme, une politique claire et un attachement aux objectifs de la révolution.» Pourtant, malgré cette bonne volonté, l’image présidentielle a souvent été égratignée ces derniers mois, notamment avec les gaffes diplomatiques d’un président qui semble dire ce qu’il veut quand il veut. A L’annonce de l’expulsion de l’ambassadeur syrien en Tunisie qui avait suscité beaucoup de réactions négatives, Wissem Tlili reste sans réponse : «il fallait s’exprimer sur un sujet délicat et c’était une façon pour le Président de montrer qu’il n’était pas indifférent à un tel massacre.» Arrive ensuite la polémique où Wissem est directement impliqué : Le 13 mars 2012, Moncef Mazouki décrète que la journée sera celle de la liberté mondiale de la liberté sur Internet. Un hommage est rendu au cyberdissident Zouhair Yahyaoui et une cérémonie en grandes pompes est organisée au palais de Carthage pour convier la blogosphère. Seulement la journée ne se déroule pas comme prévu, rumeur d’instrumentalisation politique, désapprobation d’une blogosphère qui n’a pas été vraiment consultée et querelles entre blogueurs et administrateurs Facebook, la fête est globalement un échec. Beaucoup de blogueurs connus n’ont même pas été invités. Wissem se déclare malgré tout, fier de l’évènement qui a été selon lui, bel et bien une journée de libertés où chacun a eu accès à une connexion libre au sein du palais. Pourtant il ne perd pas espoir et continue de s’investir dans la communauté des blogueurs. Son poste à la présidence, il le voit comme une expérience temporaire et ‘envisage pas une carrière politique. Ses projets sont tournés vers la réalisation et la reprise d’un documentaire inachevé. D’ailleurs, son meilleur souvenir au plais de Carthage n’est ni une entrevue avec le président ou d’éminents officiels mais sa rencontre avec le caricaturiste du journal Le Monde, Plantu le 2 » février 2012. Ce dernier avait dessiné un drapeau tunisien ressemblant curieusement à celui de Normalland, un smiley avec deux étoiles à la place des yeux…
Lilia Baise
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