La désinformation, un des pires ennemis de la transition démocratique, persiste en Tunisie. Face à des médias en perte de crédibilité, l’intox sur Facebook fait la pluie et le beau temps. Là, c’est l’orage !
A la Marsa, au Kram, à la Cité Ettadhamen, à la Cité Intilaka et à Douar Hicher, des citoyens insurgés sont sortis manifester leur colère durant la nuit du lundi 11 juin. Ils ont saccagé et volé des institutions publiques dont le Tribunal de Première Instance de Tunis 2, vers Sidi H’sin Sijoumi. Même sort pour l’Institut des Beaux-arts de Sousse. La police est intervenue. Affrontements. L’onde de choc commence à se propager du Grand Tunis à d’autres villes du pays. A l’origine de ces violences : des «atteintes aux valeurs sacrées» par des artistes exposants au Printemps des Arts tenu au Palais d’El Abdelleya à la Marsa du 01 au 10 juin. Les salafistes sont aux premières lignes des fauteurs de troubles.
Intox par la connexion nahdhaouie
«Il y a eu des représentations du prophète. Nejib Chebbi et son frère sont les organisateurs de cette exposition blasphématoire» me dit, scandalisé, un insurgé de la Cité El-Khadhra. Mal-informé, sa principale source d’informations est Facebook. Idem pour ses acolytes. Retour à cette «source». Surf entre les pages du réseau social… Trouvailles : Un tableau représentant le Prophète chevauchant El Bouraq et survolant la Mecque ainsi qu’une culotte exposée dans une galerie aux Berges du Lac sont partagés sur Facebook en tant qu’œuvres du Printemps des Arts. Le hic? Elles n’y ont pas été exposées. Les pages du réseau social prétendant que ces «œuvres» l’étaient sont des espaces de communication de sympathisants du parti islamiste Ennahdha. Il s’agit des principales sources d’intox dont les publications sont relayées par des milliers d’utilisateurs tunisiens de Facebook.
Médias en perte de crédibilité
Sans aucune réforme depuis la révolution, les médias tunisiens, en perte de crédibilité, se retrouvent face à une audience qui leur fait la sourde oreille. Leur audimat préfère plonger dans les eaux glauques de Facebook plutôt que garder les yeux rivés sur des écrans. La poussière mauve RCD et bleue Nahdha n’a pas été essuyé. Bien au contraire, elle s’accumule. Et ce ne sont pas les membres de ce gouvernement qui vont vers un apaisement ou une réconciliation. Leurs déclarations virulentes contre les médias et leurs nominations des propagandistes de l’ancien régime ont nuit davantage à la crédibilité des journaux, radios et télé nationales. Sans oublier leur blocage de réformes suggérées par l’Instance Nationale pour la Réforme de l’Information et de la Communication (INRIC).
Quant à Nejib Chebbi, il n’est évidemment pas l’organisateur de cette manifestation culturelle. C’est que certains de nos médias ont oublié, par manque de professionnalisme, d’informer les citoyens sur les organisateurs du Printemps des Arts, à savoir, Serviced et Panorama, deux sociétés de communication. La fondamentale règle du «qui a fait quoi» a été zappé. Erreur.
Intox à l’antenne
L’irresponsable attitude de certains professionnels des médias ne fait qu’empirer la situation. Naoufel Ouertani, animateur de l’émission Midi Show sur Mosaique Fm, relaye, lundi 11 juin lors d’une interview avec la galeriste Aicha Gorgi, que les «deux œuvres» citées ci-dessus ont été exposées au Palais d’El Abdelleya. Dérapage non-contrôlée par l’interviewé. Et donc, intox à l’antenne.
Mieux : Omar S’habou, ancien journaliste actuellement directeur du quotidien arabophone El Maghreb et leader du parti Mouvement Réformiste Destourien, se met aussi à la désinformation. Il annonce, mardi 12 juin, dans l’émission Midi Show sur Mosaïque Fm que le célébrissime café des nattes de Sidi Bou Saïd a été incendié par des salafistes. Quelques minutes après, le propriétaire du café dément sur les ondes de la même radio. Encore une intox.
Pas de réforme des médias, pas de professionnalisme. Pas de professionnalisme, pas de crédibilité. Pas de crédibilité, pas de confiance. Nolens volens, les citoyens cherchent une alternative. Sauf que Facebook ne l’est plus depuis la Révolution. Il s’est plutôt converti en une arène d’affrontements entre les lobbys politiques… un terrain fertile pour les artisans de la désinformation.
Thameur Mekki
Plus : A la une Medias