«Ben Ali n’a pas quitté la Tunisie, on l’a forcé», « la population était armée et droguée par ceux qui ont fomenté le coup d’Etat», c’est la «vérité» de Leila Ben Ali Trabelsi, qu’elle livre dans un ouvrage autobiographique, paru aujourd’hui en France.
Alors qu’on ne sait toujours pas ce qui s’est réellement passé le 14 janvier 2011, Leila Ben Ali Trabelsi, épouse du Président déchu sort un livre aujourd’hui, en France, intitulé «Ma vérité», chez les éditions du Moment. Sa vérité, ou une réécriture de l’Histoire, Leila Ben Ali, depuis son exil doré en Arabie Saoudite, donne sa version des faits : «Ce n’est pas une révolution du peuple, mais un coup d’Etat ».
Un coup d’Etat fomenté par qui ? «Diplomatiquement, elle n’a pas voulu mettre réellement le nom d’une organisation ou d’un pays derrière ce coup d’Etat. Néanmoins, elle a pointé du doigt certaines personnalités notamment l’ancien chef de la sécurité de Ben Ali, Ali Seriati», affirme son éditeur, Yves Derai, ce matin sur les ondes de France Inter avant d’ajouter : «elle parle des services étrangers, de services français aussi qui ont joué un rôle».
Une version peu crédible, quand on sait que la France a soutenu Ben Ali jusqu’à la dernière minute, notamment quand la ministre des Affaires étrangères Michelle Alliot-Marie avait proposé, au moment des révoltes, et deux jours avant la chute de Ben Ali, le savoir-faire français à la police tunisienne pour régler les «situations sécuritaires». Une déclaration qui a même conduit à sa démission du gouvernement quelques jours plus tard…
Le livre de Leila Ben Ali a été écrit à distance. «De longues séances de travail via skype» dit Yves Derai qui l’a contacté via un intermédiaire dont il a refusé de donner le nom. «Quand j’avais la possibilité de la voir sur skype elle était voilée» affirme l’éditeur pour qui la version des faits de Leila Ben Ali peut tenir la route : « Le départ brutal du couple Ben Ali alors qu’on disait que c’est un couple totalitaire. Lui, dictateur, qui s’appuyait sur le RCD et sur un maillage policier très puissant, et qui s’en va comme ça du pays, ça ne parait pas crédible.» déclare-t-il. Mais encore moins crédible, la version de son livre où Leila Ben Ali décrit «une population armée et droguée par ceux qui fomenté le coup d’Etat» et parle de «deux jeunes se sont immolés deux semaines avant Mohamed Bouazizi mais rien ne s’était passée car le coup d’Etat n’était pas prêt». Encore plus drôle : Leila Ben Ali Trabelsi se décrit comme «soumise, sans influence politique et pas intéressée par l’argent», pleure le sort de sa famille harcelée en Tunisie et «se plaint que les associations des droits de l’homme ne fassent rien». L’éditeur ne voit pas d’ironie dans cette histoire. Quand la journaliste Pascal Clark lui rappelle l’opposition torturée sous Ben Ali, il répond que «Ben Ali n’était pas un dictateur sanguinaire» et ajoute «Malgré tout, pas pareil que Kadhafi, pas pareil que Sadam Hussein, pardonnez-moi de faire parfois des nuances entre les dictateurs». Des propos qui feront plaisir à ceux qui ont subi des décennies de torture dans les geôles de Ben Ali.
Le livre sera-t-il en vente en Tunisie ? La question a déjà été posée il y a quelques semaines de cela. Certains avaient appelé à son interdiction, d’autres à son piratage et sa diffusion gratuite en ligne. La maison d’édition et de distribution Cérès a affirmé sa décision de ne pas l’importer. Mais ce matin, Yves Derai a affirmé que «certains libraires ont insisté à avoir le livre en Tunisie» et garanti que Leila Ben Ali ne touchera pas de droits d’auteurs. «Nous ferons un don à une association caritative. Mais à vrai dire, je ne sais pas si ce livre se vendra.» conclue-t-il.
S.B.H
A Lire :
– La Tunisie, Belhassen Trabelsi et La Lettre
– Tunisie : Leila Ben Ali publie un livre ?
– «La révolution confisquée» : Enquête et révélations sur une année de transition en Tunisie
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