Au mariage, les hommes dansent avec excitation. Des youyous frénétiques s’échappent de leurs gorges. Les femmes sont assises. Elles applaudissent et surveillent leurs maris d’un œil vif. Cette fiction exige que les hommes soient «complémentaires» en 2100. Parodie
C’est que «Bab El-Hara 2100», fiction comique réalisée par Haifa Araar et diffusée durant le mois de ramadan sur El-Wataniya 2, remanie les codes sociaux traditionnels relatifs aux rapports hommes-femmes. Exit le machisme et le conservatisme de la société damascène, exposés par «Bab El Hara». La célèbre série syrienne est ici parodiée à l’extrême : les hommes et les femmes échangent leurs rôles et leurs statuts. L’humour décalé se manifeste au niveau des dialogues écrits en arabe dialectal syrien et épicés par quelques expressions tunisiennes.
La chanson du générique annonce la couleur, celle d’un matriarcat radical, voire dictatorial. C’est le théâtre du constat «amer» de cette passation de pouvoir. Le sort des vaincus de cette guerre des sexes y est explicité : les hommes n’ont plus de travail, ils restent à la maison et ne sont plus libres de leurs déplacements.
Plusieurs stéréotypes relatifs à la masculinité orientale sont attribués aux femmes. Gestuelles corporelles viriles rendues quasi-simiesques par le sur-jeu des actrices, ton de voix agressif qui dénote l’assurance du patriarche, emploi d’expressions familières typiquement masculines, autant de clichés fusent et s’amoncellent jusqu’à réinventer l’attitude de la gente féminine. Ces femmes se disputent autour d’une partie de chkoba, donnent des raclées à leurs maris, rentrent tard le soir, draguent ouvertement et brillamment des passants dans la rue, s’occupent de toutes les tâches administratives et financent le ménage. Le Caïd du quartier est une femme. Idem pour le chef de police et le président. Le féminisme n’aura jamais été aussi paroxysmique dans un feuilleton arabe.
Les hommes quant à eux sont de vraies pipelettes. Leurs rencontres très salonnardes se traduisent par des discussions qui virent régulièrement à la cacophonie. Leurs tâches quotidiennes se résument au ménage, à la vaisselle, à la cuisine, aux courses et au linge. Ils ont peur de leurs femmes, et ont une sensibilité à fleur de peau. Ils fument en cachette et se retrouvent autour de glibettes pour s’abandonner à des critiques sournoises. Ce n’est plus la fille qu’il faut marier mais bien le garçon.
Ainsi, les codes s’inversent. Avant même que la polémique des «complémentaires» ne défraye la chronique, les protagonistes de «Bab El-Hara 2100» ont explosé les chimères de la soumission de la femme arabe ancrées dans les têtes de l’audimat à coups de productions audiovisuelles financées par les pétrodollars.
Khalil Hajeri
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