«Nous n’avons aucun interlocuteur du Premier Ministère. Ils font la sourde oreille. Nous sommes en train de nous rassembler pour décider de ce qu’on va faire faire» nous confie Sana Farhat, journaliste du quotidien «Le Temps» en sit-in, mercredi matin, à la Kasbah.
«A l’issue de la réunion de l’assemblée générale des actionnaires de Dar Assabah et de la tenue de son conseil d’administration, il a été décidé de nommer MM. Raouf Cheikhrouhou et Lotfi Touati, respectivement président du Conseil d’administration et directeur général de la société de Dar Assabah». C’est ce qu’ont annoncé, mardi au soir, les services du conseiller à l’information de la Présidence du Gouvernement.
Mais la résistance des journalistes continuent. Et pour cause, Lotfi Touati est journaliste mais aussi ancien commissaire de police, devenu rédacteur en chef du journal «Le Quotidien». Mercredi 22 août, un sit-in est entamé par les journalistes de Dar Assabah à la Place de la Kasbah, devant les locaux du Premier Ministère. Ils y bénéficient du soutien du Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT) ainsi que celui de l’Association des Jeunes Journalistes (AJJ). Certaines figures du paysage médiatique marquent leur présence à l’instar de Kamel Laâbidi, Elyes Gharbi et Om Zied.
La nomination de Lotfi Touati au poste de Directeur Général du groupe Dar Assabah à la place Kamel Sammari, occupant le poste d’administrateur judiciaire depuis septembre 2011, est symptomatique de la volonté du gouvernement de mettre la main sur les médias. Après les nominations, toutes contestées, effectuées en janvier dernier à la tête des journaux «La Presse», «Essahafa» ainsi qu’à la télévision et à la radio nationale, le gouvernement décide de placer la très controversée Imen Bahroun à la tête de l’Etablissement de la Télévision Nationale avant de s’attaquer à Dar Assabah en faisant appel à un ancien fidèle du régime Ben Ali, Lotfi Touati.
Le refus des journalistes et personnel de l’administration a tout de suite été catégorique. Un communiqué a d’abord été publié et dans lequel ils expriment leur «indignations face à cette nomination parachutée» et refusent d’être dirigés par une personne «ayant été à la botte de l’ancien régime».
A son arrivée, mercredi 15 août au siège du groupe, Lotfi Touati a été accueilli par des cris de «Dégage» et des huées. Le même jour, et avec le soutien de certains représentants de la société civile et quelques élus de l’Assemblée Constituante, un sit-in a été organisé devant les locaux du groupe de presse. Vendredi 17 août, et comme acte de protestation, les deux quotidiens de Dar Assabah font une «grève de l’édito».
Les différents syndicats relavant des instances médiatiques ne restent pas en retrait et expriment eux aussi leur indignation face à cette nomination. Le Syndicat Général pour la Culture et les Médias a dénoncé la nomination gouvernementale sans consultation préalable d’aucune instance représentative du métier. Il a en outre rappelé «la proximité de M. Touati avec l’ancien régime, en faisant partie du bureau putschiste du syndicat des journalistes au congrès du 15 août 2009». De sa part, Néjiba Hamrouni, présidente du SNJT, a affirmé que tous les articles de Lotfi Touati, au lendemain du 14 janvier «montrent clairement sa sympathie pour le Mouvement Ennahdha». Preuve s’il en fallait une, que les nominations ne se font pas en fonction des compétences mais en fonction de la loyauté au parti au pouvoir.
Fondé en 1951 par Habib Cheikhrouhou, le capital de Dar Assabah est aujourd’hui partagé entre l’Etat et Raouf Cheikhrouhou. L’Etat détient 80% des parts, récupérés après la fuite de Sakher El Matri au Qatar en janvier 2011.
Sarah Ben Hamadi
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