Il a fallu sept ans pour que le «Le royaume des Fourmis», premier long-métrage tant attendu du réalisateur de feuilletons à succès Chawki El Mejri, puisse sortir de sa grotte et voir enfin le jour. Le sujet de la question palestinienne repris maintes fois dans les productions arabes, se retrouve entre les mains du réalisateur tunisien qui insiste pour transmettre sa propre vision basculant entre mythe et réalité, faisant de la guerre une traduction plus proche de la poésie que de l’action.
Le film se situe en 2002 et commence par un tableau romantique, deux amoureux qui s’apprêtent à diner ensemble. Un tableau qui sera vite entaché par l’arrivée de soldats voulant mettre la main sur le fiancé Tarek (Monthir Rayhana), un fugitif que l’armée israélite veut capturer.
Le ton monte très vite, sa fiancée, Jalila (alias Saba Moubarak), et sa grand-mère Khadhra (alias Juliet Awad) sont menacées et agressées. Elles résistent et s’opposent. Ce sera ainsi tout au long du film ; confrontation, fuite, face-à-face et une position claire ; la terre des ancêtres ne sera pas volée, la résistance sera toujours de rigueur !
Certes, le film est basé sur des stéréotypes qui ont été mis en avant plusieurs fois dans les films et feuilletons traitants du conflit israélo-palestinien ; le bombardement des rues, écoles et lieux de rassemblement, les palestiniens qui essayent malgré tout de se créer des moments de bonheur même sous l’emprise de l’oppression, Atfél al Hijara ; les enfants qui jettent des pierres sur les chars des soldats, et l’opposition sous toutes ses formes… Le plus, et ce qui fait la différence du «Royaume des Fourmis», est indéniablement le voile de poésie imposé par la cadence des passages entre les univers, et ce mélange fiction/réalité qui déstabilise le spectateur.
Le réalisateur a créé dans ce film un monde exclusivement palestinien sous la terre colonisée. Un monde inaccessible où les héros se marient et vivent leurs plus beaux moments. Gardé par Abou Naml (Jamil Awad), le vieil homme y conserve les traditions et la mémoire des ancêtres. Il s’agit d’un refuge et d’une échappatoire empruntée à chaque fois pour fuir ce qui se passe plus haut et vivre un idéal plus bas.
Tout au long du film, la vieille génération; protectrice de la mémoire collective, celle des adultes, de la résistance qui luttent pour survivre, et la nouvelle génération de l’Intifada, à qui on a volé l’enfance, essayent de voyager entre la dure réalité et les instants d’espoirs et d’évasion qui les incitent à s’accrocher encore plus à leurs rêves de liberté et de paix.
Chawki El Mejri ne cache pas que «Le Royaume des Fourmis» est une projection personnelle de ses positions et sa vision du conflit israélo-palestinien. Les sentiments et les scènes sont détaillés, presque exagérés, et les bouchées sont mises doubles afin que le spectateur puisse sentir et percevoir ce que pourraient ressentir les différents personnages, dans un souci d’immersion dans ce monde de beauté et de lutte imprégné de malheurs et souffrance.
Un film poétique et engagé à découvrir à partir du mercredi 03 septembre 2012 dans différentes salles du Grand Tunis.
Sara Tanit
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