Le champ de bataille s’étend désormais à tous les domaines de la vie publique et à tous les secteurs. La personne humaine est toujours bafouée, la torture perdure et la Tunisie a encore déploré, après la révolution, un décès sous la torture.
Les revendications sociales sont traitées par une fin de non recevoir, entretenant le désespoir, au point d’enregistrer un décès et une hospitalisation des conséquences d’une grève de la faim. La liberté d’Expression et de la Presse est encore sujette à surenchères.
Les salariés de Dar Essabah, dont les journalistes, ont été bernés par une promesse officielle de sortie de crise et suspendu leur grève de la faim. Mais les promesses n’ont pas été tenues et la politique de pourrissement se poursuit.
Dans le même temps, des artistes et des journalistes sont toujours sous la menace de condamnations. Malgré le désaveu du ministre de la justice, la justice continue à être assujettie au bon vouloir du maître et aux tentatives de mise au pas, ce qui a conduit les juges à organiser un sit in au siège de leur association. Quant à la justice transitionnelle, elle n’est que vœu pieux.
Des facultés sont paralysées depuis plusieurs jours voire semaines. Des écoles sont fermées ou fonctionnent à minima faute d’infrastructure ou par manque d’éducateurs. Pendant ce temps, l’enseignement zeitounien parallèle continue à sévir en toute impunités et de soi disants écoles coraniques et jardins d’enfants religieux s’attellent à l’endoctrinement de jeunes enfants désarmés.
L’opacité règne sur les décisions du gouvernement. Les richesses du pays sont livrées sans concertation, son patrimoine naturel et écologique profané, ses villes défigurées.
Pendant ce temps, la crise économique s’aggrave, la solvabilité du pays s’étiole, les priorités économiques et sociales sont négligées… dans l’autosatisfaction et l’indifférence de la troïka au pouvoir. Et si l’on s’accorde à considérer que la priorité politique de cette phase est l’élaboration d’une nouvelle constitution, il est indéniable que les valeurs essentielles de cette Loi Fondamentale sont plus que jamais menacées.
Certes, les propos “révélés” de Rached Ghannouchi ne surprennent nulle personne avertie des desseins de son organisation, inscrits dans un plan qui dépasse les frontières de notre pays. Cependant, les promesses du “gourou” rendues publiques ont le mérite de lever le voile, sans mauvais jeu de mots, sur des intentions jusqu’à présent farouchement démenties et soigneusement cachées.
Nulle personne ne peut accuser les voix qui se sont élevées pour dénoncer un authentique complot contre notre pays et notre société d’intenter un procès d’intention au Mouvement. Les déclarations contradictoires des responsables du Mouvement, les tentatives d’explications, de justifications et de subterfuges confuses, qui n’ont convaincu personne, viennent confirmer le seul et unique programme de cette formation, en l’occurrence opérer un changement radical aux fondements de notre société, nourris d’une longue Histoire avec ses apports civilisationnels et culturels, couronnement d’un processus d’édification qui a intégré les différentes composantes de la personnalité tunisienne et de son identité singulière. Il s’agit, ni plus ni moins, d’une tentative d’homicide avec préméditation de la “Tunisianité”.
Y’a-t-il dans les déclarations et préoccupations du “maitre” une seule allusion aux problèmes économiques et sociaux qui ont poussé notre peuple à se révolter ? Y’a-t-il seulement une ébauche de réponses à ses attentes et à ses préoccupations ? L’unique souci du gourou est une radicalisation de la société tunisienne au prétexte d’une islamisation factice du Peuple, pourtant musulman, et au mépris du droit à la différence, à la liberté de culte et de conscience et du vivre ensemble en bonne intelligence, dans un environnement de respect et d’enrichissement mutuels, consacrant l’Etat de Droit et le respect des Institutions Civiles Démocratiques.
Après un bilan gouvernemental des plus déplorables, après l’affirmation d’un reniement du Pacte tacite sur les principes d’édification de la Deuxième République, établi entre les protagonistes politiques et qui a réuni l’ensemble des tunisiens avant les élections de l’Assemblée Constituante, n’est-on pas en droit de s’étonner de l’obstination sourde de ceux qui appellent encore à un dialogue national et à une feuille de route pour organiser la transition après le 23 octobre ?
Avec qui peut-on encore dialoguer ? Une feuille de route pour quel projet de gouvernement et de gouvernance ? À quelle constitution peut-on encore aspirer et quelle démocratie peut-on encore espérer avec des constituants qui, grâce à leur supériorité numérique, envisagent de trahir le Peuple et d’étouffer dans l’œuf les espoirs d’une Révolution à laquelle ils n’ont, en majorité, pas participé ? Et si consensus il y avait, serait-il au prix du renoncement des démocrates à des valeurs et principes intangibles en échange de concessions mineures satisfaisant des égos et des ambitions ?
Le Peuple Tunisien Souverain ne tolérera ni n’acceptera que sa révolution soit bradée, que ses objectifs soient dénaturés et trahis et que sa dignité soit bafouée.
Emna Menif
Militante politique
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