Provoque, bonne humeur et franc parlé, ce sont les trois mots qui ont marqué la série de concerts proposés en duo par l’artiste algérien controversé Baâziz et le chanteur tunisien au style décalé Bendir Man au cours du weekend prolongé de l’Aïd sous le titre « Dorénavant, tout sera comme avant ».
Habitué de la scène d’El Teatro, bondée au cours de cette veille de l’Aïd, Baâziz n’en est pas à sa première prestation sur les planches du théâtre de Taoufik Jebeli et Zeineb Farhat qui l’ont tout le temps accueilli à bras ouverts même dans les moments les plus durs.
C’est que Baâziz n’a pas été tout le temps le bienvenu en Tunisie, il a été expulsé d’ailleurs en 2008 par les flics de Ben Ali «pour atteinte à la sécurité nationale» et cette anecdote fait partie intégrante du programme du concert. « Avant, quand je lançais des blagues sur Ben Ali et sa famille les gens attendait de rentrer pour pouvoir rire à mes blagues, maintenant ils n’ont plus peur » disait-il.
Brassens, Voulzy et Renaud étaient au rendez-vous, Grand fan de ces chanteurs français, il reprend leurs mélodies dans ses chansons, en les mêlant à des paroles personnalisées qu’il actualise à chaque fois au gré des circonstances et des nouveautés politiques et sociales.
Fort de son sens d’improvisation sur scène, on ne sait jamais quand est-ce que les paroles changeront au gré del’assistance et de la dernière actualité ! C’est ainsi que dans les chansons « The best », « Wled Lahram » ou « Rock Collection » empruntée à Voulzy, il n’a pas omis de taquiner Bouteflika et les Généraux algériens, ou encore Ghannouchi et les barbus tunisiens qui se cachent désormais derrière chaque arbre, alors qu’avant la révolution, c’étaient les policiers de Ben Ali qui le faisaient.
Avant de passer le relais à la Bendir Man, le «Mroufez» algérien qui ne mâche jamais ses mots, a conclu son show avec la chanson tant émouvante «La neige tombe», non sans changer les couplets comme à son accoutumée et rendre hommage a Lotfi Naguedh décédé quelques jours auparavant à Tataouine, après avoir été agressé à cause de son appartenance politique (il allait devenir coordinateur régional du parti Nida Tounes, ndlr), et d’ajouter avant de partir «Vous avez pris nos pères et nos mères, mais la Tunisie, vous ne l’aurez jamais.. ».
L’entrée de Bendir Man sur scène fut timide avec une reprise du Malouf Tunisien avant de balancer que ça ne va pas être ainsi tout au long de son concert. Le sérieux ne peut pas trop durer et ce fut le cas.
C’est que le chanteur humoristique tunisien n’a pas eu la semaine facile surtout suite à ses altercations avec le politicien Bahri Jelassi ou encore l’affaire de Lotfi Abdelli et le ministre Samir Diou à qui il a dédié la chanson «El système» tout en ironie, en disant que cette chanson sera probablement considérée bientôt comme atteinte au sacré.
Bendir Man n’a pas omis de balancer des blagues à l’encontre des membres de l’assemblée constituante et la constitution qui s’éternise à être prête, mais aussi au gouvernement, en dédiant une nouvelle chanson à la ministre Sihem Badi, reprenant ainsi la fameuse affaire du procès contre le slogan d’une marque de produits laitiers. Sans oublier, la fameuse « Free Imed », ou plus tristement la chanson dédiée à Rdeyef, composée en 2008, et une reprise de Cheikh Efrit, un artiste qu’il apprécie particulièrement. Et pour clore le spectacle, place à « Hbiba Ciao » la chanson hommage aux immigrés clandestins.
Baâziz et Bendir Man ou Buûziz comme le surnomme fraternellement l’artiste algérien, dégagent une complicité sur scène et un humour contagieux qui ravivent l’univers de la chanson engagée et humoristique nécessaire en ces temps ou l’ironie est de rigueur pour faire bouger les choses et pointer du doigt les défaillances des systèmes. Un show concert à revoir et à encourager.
Sara Tanit
Crédit-photo Mine Manphis
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