En visite en Tunisie du 10 au 16, afin d’évaluer les mesures adoptées par le gouvernement pour répondre aux abus commis par le passé et pour promouvoir la justice transitionnelle, M. Pablo de Greiff, rapporteur spécial des Nations Unies, a tenu une conférence de presse vendredi matin, au cours de laquelle il a appelé à ce que les droits de l’homme soient placées au cœur du processus de justice transitionnelle.
M. de Greiff a souligné l’importance de 4 éléments fondamentaux dans le processus d’élaboration de la Justice transitionnelle : la vérité, la réparation, les poursuites judiciaires et la garantie de la non-reproduction des actes de violation des droits de l’homme via des mesures constitutionnelles. «Ceci est le noyau central de la justice transitionnelle», assure-t-il. Le représentant des Nations Unies a tenu également à préciser que «La justice transitionnelle n’est pas une catégorie spéciale de la justice en période de transition», et de commenter «la réconciliation n’est pas une alternative de la justice ».
Parmi les défis auxquels est confrontée la Tunisie, l’expert a averti quant à «la fragmentation du processus de justice transitionnelle». «Dans les différents entretiens que j’ai eus, à Tunis et dans les régions, j’ai constaté une politisation du sujet», et d’ajouter «les mesures ont tendances à se concentrer sur certains évènements à des périodes particulières. Ceci voudra dire que ces mesures sont là pour servir un groupe particulier de victimes». En ce sens, M. de Greiff a tenu à souligner qu’il est important pour la Tunisie de placer les droits de l’homme au cœur du processus de la justice transitionnelle « peu importe la période, peut importe le persécuteur, peu importe la victime, son appartenance et son identité en général». Tous les actes de violation des droits de l’homme doivent être traités de la même manière, «une telle approche peut aider à créer un équilibre entre le volet réparation et les autres composantes de la justice transitionnelle» soutient–t-il.
Autres mesure importante pour M. de Greiff : l’obligation de l’Etat, de garantir la non-répétition des évènements. «Il faut des mesures efficaces pour avoir un Etat de droit. Et ces dernières doivent être élaborées de manière à ne pas diviser la société mais la renforcer. Ceci contribuera à la réconciliation» martèle-il.
Concernant le projet de loi de la justice transitionnelle présenté par le ministre des Droits de l’Homme et de la Justice Transitionnelle, Samir Dilou, l’expert des droits de l’homme s’est félicité de retrouver les 4 éléments fondamentaux de la justice transitionnelle préconisés, mais il a toutefois précisé qu’ils doivent être définis par la loi pour qu’ils soient effectifs. «D’après le projet existant, il n’est pas clair que la Commission Vérité et Dignité créée par la loi sera à même de les traiter». Il a par ailleurs recommandé que les 15 membres de cette commission soit nommés par l’assemblée nationale constituante et que la société civile y participe, et d’insister «Cette commission doit être indépendante». Quant au processus entamé en Tunisie, M. de Greiff estime qu’on a donné une importance majeure à un élément : «la réparation». Chose avec laquelle il ne semble pas être d’accord. «Cela ne veut pas dire que la réparation n’est pas importante, mais il faut avancer sur plusieurs fronts en parallèle, comme la recherche de la vérité, les réformes institutionnelles». Il rappelle toutefois l’intérêt de «ne pas procéder d’une manière expéditive». «Il n’y a pas de raccourcis dans la justice transitionnelle», fait-il remarquer dans sa conclusion.
M. de Greiff présentera son rapport sur sa visite au Conseil des droits de l’homme en septembre 2013.
S.B.H
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