Petite fille de Farhat Hached et Mahmoud El Materi, Farah Hached se bat aujourd’hui pour la préservation des archives nationales de la Tunisie. Elle crée en 2011 «Le Labo Démocratique», une association qui milite pour l’instauration d’une démocratie respectant les libertés publiques. Rencontre.
Fille d’ambassadeur (Nourreddine Hached), Farah a vécu une bonne partie de sa vie à l’étranger, avant de revenir en Tunisie durant son adolescence. Après avoir obtenu son Baccalauréat, elle part à Paris, poursuivre des études de Droits à l’Université Panthéon Assas. En 2009, elle revient en Tunisie. «Un choix personnel » qu’elle ne regrette pas. «Je n’aurais pas aimé vivre la révolution à l’étranger». affirme-t-elle. Pourtant, quand elle était à l’étranger, Farah Hached n’était pas insensible à ce qui se passait en Tunisie, et s’intéressait de près aux organisations des droits de l’homme dans le cadre de sa thèse «Les sources des droits et libertés politiques en Tunisie». «Quand on est en France, on a accès à l’information et on est sensibilisé à la politique. En Tunisie, on vivait dans un bocal. Je tiens vraiment à tirer un grand chapeau à ceux qui milité en Tunisie, c’était très difficile».
Janvier 2011, Ben Ali tombe, et Farah Hached pense rapidement aux archives nationales. «Mon père m’a toujours dit : ”Fais attention au téléphone, nous sommes sur écoute’‘», se rappelle-t-elle. Au lendemain de la révolution, elle était sûre que ce système de surveillance sous lequel vivait la Tunisie était «le cœur de la dictature». «Mais ce système où il est ? Qui va l’utiliser maintenant ?» s’interroge-t-elle. Partant d’une approche scientifique, Farah Hached, pour qui «le maintien de la sécurité d’un Etat reste important» se demande comment on peut «transformer la police politique en vrais services de renseignement», et comment ce système doit rester au service de l’Etat et pas d’un parti». Elle fait des recherches sur ce qui s’est passé ailleurs et conclut que « Les pays qui n’ont pas réformé leur système de surveillance sont tombés dans la dictature deux années plus tard. C’est le cas par exemple de la Russie avec les services du KGB (Comité pour la sécurité de l’Etat, dissous en 1991, ndlr) qui a été décentralisé, et est revenu petit à petit sous un autre nom.». Déterminée, et convaincue de l’importance de cette question dans la réussite d’une transition démocratique, elle en fait une de ses priorités.
Aujourd’hui Farah Hached lance avec l’association qu’elle préside «Le Labo Démocratique», et en partenariat avec l’institut allemand le Mémorial Berlin— Hohenschönhausen, un festival de la mémoire avec pour thème “Contre l’oubli. La Tunisie a besoin de quelle mémoire? “. Une première et un évènement inédit «dans un pays où la mémoire a été confisquée» selon ses propos. Petite fille de Farhat Hached, fondateur de l’UGTT, et Mahmoud El Materi, co-fondateur du Néo-Destour la mémoire nationale lui tient à cœur. «Après l’indépendance, les institutions nous ont, en quelque sorte, imposés ce que c’est l’Histoire de la Tunisie. Bourguiba a fait certaines choses positives pour la Tunisie, mais il n’était pas un démocrate et il a confisqué l’Histoire du pays. C’est important que le peuple récupère sa mémoire». soutient-elle.
Aujourd’hui, très impliquée dans la société civile, elle tient à honorer la mémoire de ses deux grand-pères «Ils se sont sacrifiés pour ce pays, Hached au prix de sa vie. Materi en passant plusieurs années en prison. Ce ne sont pas uniquement mes grands-pères, ce sont aussi les grands-pères de la Tunisie. J’espère être à la hauteur de leur mémoire» déclare-t-elle émue.
Sarah Ben Hamadi
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