Si les progressistes ont perdu les élections du 23 octobre 2011 et que les islamistes d’Ennahdha les ont gagnées c’est pour une grande part à cause ou grâce à la communication. Dépendamment du bord où l’on se situe. …
En matière de communication, le déficit des progressistes était flagrant. Qui ont commis également des erreurs fatales, qu’elles soient en termes de choix stratégiques, de discours ou d’image. En face, Ennahdha a presque fait un sans faute. Son message était clair. Sa cible très bien identifiée et ses axes stratégiques ont été bien choisis dès le départ.
Depuis les élections et malgré quelques améliorations dans la communication des progressistes, rien n’a fondamentalement changé. Et indépendamment du bilan peu convaincant d’un gouvernement qu’on peut qualifier sans exagérer de “nahdhaoui”, le parti islamiste est demeuré maître dans la communication politique. Et dans la communication tout court.
Et le bilan d’Ennahdha l’accule à beaucoup miser sur sa communication. Et si sa popularité baisse c’est davantage à cause de son bilan que de sa communication. En face, les progressistes ne remontent pas la pente grâce à des propositions économiques, sociales… concrètes mais à cause de l’incompétence d’Ennahdha et de son bilan. Si des gens continuent à croire encore à Ennahdha et si cette dernière parviendra à limiter les dégâts aux prochaines élections, à supposer qu’elles aient lieu, ça sera grâce à sa capacité à convaincre les électeurs que l’échec total de son mandat n’est pas uniquement le sien mais aussi celui de tous les partis, “qui n’ont cessé de lui mettre les bâtons dans les roues” et du “lourd héritage de l’ancien régime”. Et que la vraie menace pour la démocratie ne vient pas d’elle mais bel et bien des «résidus du régime déchu» et autres «fouloul» et «azlam» qui «oeuvrent patiemment avec les forces contre-révolutionnaires à détruire la révolution pour laquelle les martyrs ont sacrifié leur vie».
Ce discours, préparé, matraqué, ressassé, remâché, reformulé est décliné quotidiennement à longueur de médias pour installer son argumentaire sous-jacent définitivement dans la tête du Tunisien et induire le choix voulu le jour fatidique du vote. Et il faut reconnaître qu’Ennahdha et même les représentants de ses partis satellites, qui ont vite appris la leçon de communication du grand frère nahdhaoui, excellent dans ce registre.
L’opposition, elle, ne s’est pas beaucoup améliorée depuis sa défaite du 23 octobre. Malgré des efforts individuels on ne perçoit pas de fil conducteur clair dans son discours. Exception faite peut-être de l’équipe de Nidâa Tounes qui semble accorder à la communication la place qui est la sienne. Alors qu’Ennahdha use clairement et abuse de coaching, prépare comme il le faut ses éléments de langage, veille à la cohérence des interventions de ses membres à la télévision et sur les radios et se permet même le luxe de travailler sérieusement sur la communication non verbale ou corporelle (body language), les progressistes paraissent discourir en rangs épars, sans coordination ce qui leur fait perdre de précieuses occasions de percuter comme il le faut sur l’auditoire.
Conclusion : pour le moment les islamistes battent les progressistes à plate couture sur le terrain de la communication. Un terrain qui sera déterminant dans le débat politique en vue des prochaines élections où il sera nécessaire et non suffisant d’exceller pour capter les suffrages. Surtout ceux, encore considérables, des électeurs potentiels qui ne ce sont pas encore prononcés que les instituts de sondages évaluent unanimement à près de 50% du corps électoral.
Ali Abassi