Tekiano a rencontré Mansour Moalla, ancien ministère de l’Economie et des Finances de Bourguiba. Au cours de cet entretien, il fait le constat de la vie politique et donne sa vision sur le futur.
Tout d’abord, concernant les jeunes tunisiens, M. Moalla regrette que ceux-ci soient absents de la scène politique, soulignant qu'”il s’agit de la continuité de la stratégie adoptée pendant l’ère de Ben Ali qui a toujours fait en sorte d’éloigner les jeunes de la scène politique pendants 23 ans”. Or, pour l’ancien ministre de l’Economie et des Finances, il est impératif que les jeunes occupent la scène politique, invitant au passage les membres du gouvernement à leur céder la place.
La situation économique: une bombe à retardement
Mansour Moalla estime que la situation politique du pays “n’est pas bonne, certains disent même mauvaise, mais je la qualifie de pas vraiment formidable”.
Ensuite, sur le plan économique, “la situation est très difficile car tant qu’il n’y a pas de sécurité, il n’y aura pas d’investissement et par conséquent il n’y aura pas de création d’emplois…”. C’est une bombe à retardement. Il faut donc “instaurer une atmosphère de coordination avec les syndicats à propos des grèves et que les entreprises et les organismes publics procèdent avec plus de transparence…”.
Des solutions…
L’ancien ministre de Bourguiba ne s’arrête pas au stade de constat. Il propose des solutions. Par exemple, il estime que “pour stimuler l’investissement, il est nécessaire d’assurer la sécurité dans le pays, car on ne peut pas avancer dans l’insécurité”, allant jusqu’à suggérer l’élimination des milices et des comités qui sèment la terreur… D’ailleurs, “malgré les difficultés rencontrées dans les années 60-70, voire la fin du régime de Bourguiba, rappelle-t-il, nous avions atteint un taux de croissance de 5% par an en moyenne”.
Selon lui, “si nous avons un gouvernement méthodique vs gouvernement d’improvisation, nous pourrons avoir 10% de taux de croissance. Nous n’avons pas l’air de suivre le bon chemin…”.
Dans le même registre, M. Moalla considère que la société a changé avec la révolution, et de ce fait, “les Tunisiens en attendaient beaucoup, mais malheureusement la méthode adoptée par le gouvernement n’est pas adaptable avec la période sensible que traverse la Tunisie”.
“La révolution est un événement exceptionnel qui doit être traité d’une méthode exceptionnelle”, déclare-t-il. Mais “le gouvernement a procédé d’une méthode classique et routinière ayant servi à l’organisation des élections, la formation du gouvernement et la présentation de l’opposition”, regrette-t-il.
D’où sa proposition d’un gouvernement d’union nationale. “Nous avons besoin d’une période de calme après deux ans d’agitation… L’annonce des élections en septembre 2013 risque de déclencher la guerre électorale. Donc, il faut regrouper les principaux partis et quelques représentants des organisations de la société civile qui ne sont pas représentés à l’ANC (UGTT, UTICA…)”.
D’ailleurs, il estime que les élections du 23 octobre 2011 c’est ratage en ce sens que la moitié des Tunisiens n’a pas voté et la vie politique n’a pas été organisée pour obliger les partis à se regrouper, comme c’est le cas dans plusieurs pays.
Et M. Moalla d’insister sur sa proposition d'”un gouvernement d’union nationale de 3 ans avec une feuille de route”, secondé par “un comité politique qui discute des lois ayant trait à la vie politique…”.
L’assassinat Chokri Belaid
L’ancien ministre de l’Economie et des Finances de Bourguiba dénonce l’assassinat de Chokri Belaid le considérant comme “un signal de danger, étant donné qu’il s’agit d’un grand militant et fidèle à son pays. D’ailleurs, je salue le courage et l’audace de sa femme, et il faut que le gouvernement actuel se rende compte de la gravité de cet assassinat et prenne les mesures nécessaires”.
Le Conseil des sages
“Il n’y a pas eu réellement un Conseil de sages, un jour on nous a demandé de rencontrer le chef du gouvernement pour donner notre avis sur la situation du pays et chacun a donné le sien; il n’y a eu ni loi ni statut…”.
Par ailleurs, il affirme n’appartenir à aucun parti politique : “j’ai décidé d’être indépendant, j’étais éliminé par Ben Ali pendant 18 ans car je ne lui plaisais pas… J’ai conquis ma liberté et je ne suis pas prêt à la sacrifier”.
Rappelons que Mansour Moalla est le fondateur, en 1957, avec Hédi Nouira, de la Banque centrale, ou il a occupé la fonction de directeur général. Il est aussi le fondateur de la Banque internationale arabe de Tunisie (Biat), du Groupe des assurances de Tunisie (GAT), ainsi que de l’Institut arabe des chefs d’entreprise.
Chaima BSIBES
Lire aussi :
Tunisie: Conférence “Allo la citoyenneté!” à l’IHEC
Tunisie : Les étudiants de la FSJPST plus que jamais impliqués dans la vie politique
Plus : A la une Politik