Les dessins et les caricatures ont pris une autre dimension en Tunisie depuis un peu moins de trois ans. Principalement destinés aux enfants pendant une longue période, aujourd’hui elles constituent un excellent outil de critique et un relais d’informations dont les caricaturistes tunisiens, pour la plus part amateurs, abusent pour dénoncer les dépassements du quotidien.
ERevolution, qui a vu le jour juste après le 14 janvier 2011, fait partie de ces nouveaux personnages caricaturaux. Il conjugue les pensées et idées éparpillées que son créateur, Needall Gharyani, se presse de mettre sur le papier dès leurs apparitions, pour présenter l’actualité d’une façon décalée teintée d’un humour noir séduisant.
«Avant tout je suis un père et ce qui me motive principalement aujourd’hui, outre critiquer ce qui se passe, c’est laisser une trace de comment j’ai vécu l’histoire à ma petite fille…». Or, cet informaticien de formation laisse une succession de dessins, témoins des évènements quotidiens à tous ceux qui le suivent. Une sorte d’archive dessinée.
Les débuts de l’aventure ERevolution furent des moments d’évasion, des gribouilles sur un bout de papier qui se sont transposés sur le PC, déclare Needall. Ses amis et famille le poussent à partager ses dessins sur Internet. Aujourd’hui la page du petit personnage aux grands yeux disproportionnés compte presque 18.000 fans. Et le caricaturiste publie presque tous les jours, c’est qu’il y a tellement de matière dans cette Tunisie post-révolutionnaire !
En 2012, il s’associe avec un collectif de 14 caricaturistes pour lancer un premier recueil collectif tunisien de bandes dessinées «Koumik». Pour ce premier tome, chacun des 14 dessinateurs a disposé de huit planches pour s’exprimer librement sans limites. Certains ont opté pour une bande dessinée, d’autres des caricatures et des dessins aussi bien en français qu’en arabe.
Une année plus tard, l’expérience se renouvelle avec un nombre plus restreint de dessinateurs mais un résultat toujours aussi impressionnant à travers la BD «Lab 619» qui se trouve actuellement dans plusieurs librairies en Tunisie. ‘Lab’ car «c’est encore au stade du laboratoire, on est encore en phase de test, on voudrait faire de ce magazine une revue trimestrielle et inviter plusieurs talents à y participer avec des dessins, textes, scénarii ou idées…», dit-il. ‘619’ est tout simplement l’indicatif qu’on retrouve dans le code à barre des produits de la Tunisie pour bien signifier que c’est un produit purement tunisien.
En attendant, Needhal Ghariani ne chôme pas, ce qui a constitué pour lui des brouillons au début prennent de plus en plus d’importance dans sa vie aujourd’hui. «J’apprends tellement des gens, certains commentaires m’éclairent sur des choses et des interprétations que je ne voyais même pas..». Le personnage ERevolution en joue parfois, en abusant des doubles sens et des seconds degrés, cela intrigue les gens et les commentaires qui en sortent sont d’autant plus originaux et inattendus, une réelle source d’inspiration.
L’artiste propose ses planches à tout le monde, «tout le monde peut s’en servir», dit-il. Il les a déjà publiés dans des magazines électroniques et papier et ne trouve pas d’inconvénients à ce qu’on les partage. «Mon principe c’est avoir un mur blanc de plus pour écrire dessus!». Et nous, on redemande.
Sara Tanit
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