“Préludes”, création de Mohamed Ali Kammoun, fut un spectacle qui a rassemblé la crème des solistes tunisiens. Un spectacle digne d’une inauguration d’une édition du festival international de Carthage, et que le cadre majestueux de la basilique Saint Cyprien a su néanmoins embellir, hors les murs de Carthage.
Les musiciens se sont présentés décontractés devant un public venu spécialement pour “déguster” une bonne musique. Munis de leurs instruments fétiches et dirigés par le pianiste et compositeur tunisien Mohamed Ali Kammoun, ils ont présenté 7 compositions lors du concert plus une pièce bonus à la fin.
C’est un véritable voyage musical commençant par un cri tout droit sorti de la flute du maître Nabil Abdelmouelh, qui a inauguré ce concert. Un morceau intitulé « El Kasba » qui reflète sans les mots la détresse d’un moment, les complaintes d’une génération, la révolte qui fut agitée et troublante.
Sortant de la Kasba, la mélodie nous mène tout droit à la médina de Tunis, les sonorités andalouses se font sentir, mais la composition se veut jazzy, moderne… S’en suit un passage El Kef, la « Sicca Veneria », qui ne peut être que festif, les percussions de Lotfi Soua retentissent de plus belle pour signer, la légèreté et la joie de vivre de la perle du nord-ouest.
Un véritable dialogue s’établit entre le piano de Mohamed ali Kammoun et le violon du virtuose Zied Zouari. Un dialogue jovial, intime et une complicité gracieusement partagée par la public qui se répétera. El Kef, c’est aussi « Sakiet Sidi Youssef », souvenir malheureux transcrit par les notes pour un triste hommage qui a uni algériens et tunisiens dans la peine.
Les musiciens étaient accompagnés par des projections de dessins en totale harmonie avec la musique, œuvres du graphiste Raouf Karray. Des images qui guident le spectateur et l’aident à suivre le chemin imposé par les mélodies. C’est ainsi que l’envol des pigeons nous emmène par la suite à « Kasserine », symbole de la revanche d’une vie, l’espoir et la foi dans les générations futures. « Nafta » la belle, la colorée, la tourmentée s’installe et on l’annonce à coup d’incantation.
Le finish sera plus mystique avec une évocation du saint « Sidi Ali Karray » et un retour à la « Abbasiya ». Une évocation qui épouse parfaitement le cadre authentique et riche en mystères de la basilique Saint Cyprien et qui a ému le public faisant à la fin un standing ovation aux artistes.
Mohamed Ali Kammoun a gratifié les spectateurs d’un dernier morceau sobrement intitulé « Samra » mais gorgé des couleurs africaines, ‘Gambara’ a retenti au-delà des murs, répété par des enfants séduits par le rythme entrainant.
Préludes de Mohamed Ali Kammoun dénote d’une longue lecture du patrimoine musical tunisien qui fut joliment réinterprété et modernisé. Il oblige l’auditeur à entamer un voyage imaginaire personnel selon ce que la musique et les images ont le pouvoir d’évoquer chez lui.
On apprécie la générosité des musiciens qui s’adonnent à des prouesses avec leurs instruments. On apprécie leur complicité et le plaisir qu’ils affichent en jouant, transmettent ainsi toute la bonne humeur à un public tout ouïe.
Un moment exceptionnel qui s’est voulu devant une audience intimiste, qui aussi hétérogène soit-elle, a su apprécier ces quelques instants hors du temps proposés par Préludes.
Sara Tanit