Révélation de la 28ème édition des Journées Cinématographiques de Carthage, le long-métrage tunisien “Le vent du Nord” ou Chirch est le premier opus du réalisateur Walid Mattar qui a bénéficié de la bourse Takmil.
Il s’est distingué en remportant lors de la clôture des JCC 2017 trois prix: le Tanit d’or pour la « 1ère Œuvre » de long-métrage : prix Tahar Chriaa, le prix spécial TV5 Monde ainsi que le prix du meilleur scénario.
Ecrit à 6 mains, par Walid Mattar, Leyla Bouzid et Claude Le Pape, le film traite de la délocalisation en apparence, mais c’est plutôt le combat pour s’en sortir et mener une vie digne de part et d’autre de la Méditerranée qui est mis en avant, ce qui lui donne une dimension internationale. L’histoire d’amour n’est pas le centre du film mais sert de fil conducteur.
De même pour la révolution tunisienne, sujet fétiche des réalisateurs tunisiens durant ces dernières années, qui n’y est pas cité.
Chassé croisé entre les deux rives de la Méditerranée
Le film le “Vent Du Nord” fait de l’humain son cheval de bataille. Sous fond de problèmes engendrés par la délocalisation d’une usine, déplacée de France vers la Tunisie dans une optique de profiter d’une main-d’oeuvre plus avantageuse, ce sont les vies de deux familles et communautés qui sont relatées.
Si Hervé, renvoyé de l’usine relocalisée aux portes de la retraite, profite de sa maigre indemnisation pour tenter une nouvelle vie et vivre de sa passion, la pêche, Foued, jeune tunisien chômeur, quant à lui, accepte un salaire misérable pour séduire sa copine et subvenir aux besoins de sa mère malade.
Les deux personnages se rencontrent brièvement dans le film sans interagir. L’évolution de leurs périples est dévoilée simultanément faisant voyager le spectateur à chaque fois de la Tunisie vers la France et vice versa.
Il est difficile de comparer les deux personnages qui évoluent dans deux cadres totalement différents et des situations sociales sans points communs. Pour un spectateur français, le mode de vie d’Hervé est précaire alors que pour un Tunisien il est digne d’une famille de la classe moyenne supérieure. Cependant, la motivation d’améliorer leurs vies respectives les rapproche fortement.
Des acteurs touchants de par leur sensibilité
Le réalisateur a misé sur des acteurs amateurs pour tenir les premiers rôles de son film, et ce qu’on peut dire, c’est que c’est un pari gagnant, car ce qui fait la force de “Chirch” c’est bien ce jeu d’acteurs spontané et sans superflus qui arrive à émouvoir les spectateurs et fait qu’ils s’attachent facilement aux personnages.
Le public pourra découvrir un Mohamed Amine Hamzaoui loin de son image de rappeur désinvolté ou enfant gâté des feuilletons ramadanesques. S’appropriant le rôle de Foued, un gars d’une banlieue populaire, jeune, rêveur, au chômage et qui essaye de percer, Hamzaoui émeut avec sa sensibilité et est très sincère dans son jeu.
Hervé, joué par Philippe Rebbot, est drôle et bon. Il fonce naïvement, comme pour son projet, achète un bateau de pêche sans avoir vraiment les moyens et essaye d’investir son fils dans son rêve, ce qui améliore leur relation et attendrit le public.
Le choix de Philippe, qui est drôle et léger dans la vraie vie, et de Mohamed Amine Hamzaoui, s’est fait pour dédramatiser le tout, car ce sont des personnages assez vivants,
assez légers. Ce sont des comédiens qui jouent en étant animés par leurs sentiments et qui sont prêts à vivre ces rôles, explique Walid Mattar.
Le Vent du Nord souffle de Hammam-Lif vers plusieurs régions en Tunisie
L’avant-première du film “Le Vent du Nord” de Walid Mattar est prévue dans la ville où tout a commencé, Hammam-Lif, dans la maison de la culture Ali Ben Ayed, le 05 janvier 2018. C’est là ou le réalisateur est né et a vécu, et c’est là-bas qu’il a fait ses premiers pas dans le ciné-club de la ville.
Plusieurs séquences du film ont été tournées dans des endroits que les hammamlifois reconnaîtront sûrement (le train de la banlieue sud, la kazma, la zone industrielle, la plage de Hammam Chott, la plage de Hammam-Lif, les quartiers populaires…); un clin d’œil pour cette ville qui a vu émerger de grands réalisateurs et artistes de la trempe de Mouna Noureddine, Leila Toubel ou Selma Baccar et Aly Ben Ayed.
Part ailleurs, l’équipe du film compte effectuer une tournée dans toute la Tunisie pour projeter le film dans des régions qui n’ont pas accès au cinéma. Une véritable Caravane aux couleurs du long-métrage “Le Vent Du nord” projettera le film dans les places et espaces ouverts pour faire découvrir l’histoire et sensibiliser quant au manque de salles de cinéma en Tunisie. Une belle initiative pour démocratiser la culture et la rendre accessible à un plus grand nombre.
Le film Le vent du Nord شرش de Walid Mattar d’une durée de 88 minutes sera projeté dans les salles de cinéma de Tunisie à partir du mercredi 10 janvier 2018 et à partir du 28 mars en France.
Sara Tanit
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