“Les prochains conseils municipaux pourront-ils appliquer le principe constitutionnel de la libre administration?”. Telle était la question objet de la conférence de presse commune organisée par l’organisation tunisienne Action Associative l’Association Tunisienne pour l’Intégrité et la Démocratie des Elections (ATIDE) et l’Association Kolna Tounes dans un souci des organisations de la société civile à veiller à assurer la conformité du Code des Collectivités Locales avec les principes constitutionnels avant la date des prochaines élections municipales en mai 2018. L’application au niveau municipal du principe de libre administration est l’un des principaux facteurs pour établir la confiance entre l’Administration municipale et les citoyens ; lorsque cette confiance fait défaut aucun développement ne peut avoir lieu au profit de la municipalité ni de ses habitants.
Les dangers des mécanismes participatifs dictés par l’Autorité Centrale
Le principe de libre administration est un principe constitutionnel stipulé par la Constitution dans son article 132, garantissant ainsi la confiance entre la municipalité et le citoyen à travers la participation des habitants de la commune à la prise de décisions concernant les projets municipaux et l’application de la démocratie participative au niveau local.
L’Action Associative affirme que l’énoncé actuel de l’article 28 du projet du Code des Collectivités Locales, à savoir : « le cadre et les modalités de la méthodologie participative sont réglementés par un décret gouvernemental sur proposition du Conseil Supérieur des collectivités locales et sur avis de la Haute Cour Administrative », ne permet pas aux municipalités d’appliquer des mécanismes participatifs efficaces et adaptés à chaque municipalité, dans la mesure où il y est stipulé que toutes les municipalités doivent appliquer le meme mécanisme prévu par l’Autorité Centrale. Selon cette formulation, les mécanismes participatifs appliqués par les municipalités deviennent dictés par le pouvoir central, ce qui est contraire au principe de la libre administration, pilier de la décentralisation, et qui permet aux municipalités de choisir le mécanisme participatif le plus adéquat pour leur travail municipal. Afin de garantir les principes de libre administration, indépendance, neutralité et démocratie, l’organisation l’Action Associative estime qu’il serait plus approprié que la méthodologie participative soit déterminée et adoptée par le Conseil municipal et son administration en concertation avec les composantes de la société civile locale. Elle émanerait ainsi de la réalité et de la spécificité locale et son appropriation par l’ensemble les acteurs locaux serait bien plus aisée qu’un mécanisme dicté et qui pourrait souvent s’avérer techniquement défaillant tel que le mécanisme du Plan Annuel d’Investissements conçu par la Caisse des prêts et de soutien des collectivités locales (CPSCL) , lequel instrument est dicté actuellement à l’ensemble des municipalités sans aucune nuance ni respect des spécificités.
De faibles ressources financières et humaines
Pour sa part, l’ATIDE affirme que le manque de ressources financières adéquates et le faible niveau d’encadrement dans la plupart des municipalités sont de nature à entraver de façon significative l’application effective du principe de la libre administration. L’ATIDE propose de favoriser la coopération et l’échange d’expériences et d’expertises intercommunales par la conclusion d’accords entre les municipalités et de soutenir ce type d’initiative par la Caisse des prêts et de soutien des collectivités locales et les différents Ministères concernés. Tout comme elle suggère d’allouer une partie des taxes locales (droits d’enregistrement et de timbre d’un bien immobilier, d’un fonds de commerce, vignette automobile…) à la municipalité en vue de renforcer ses ressources financières. L’ATIDE exhorte par ailleurs à faciliter l’attribution de certains domaines de l’État se trouvant sur les terres municipales aux institutions municipales, afin de favoriser l’exploitation de ces terres et bâtiments. L’ATIDE estime par ailleurs que la promotion d’investissements économiques adaptés aux spécificités communales est à même de renforcer les ressources financières en permettant de lever plus d’impôts locaux. L’ATIDE suggère également d’introduire la spécialité «gestion des collectivités locales» au niveau des études supérieures et plus spécifiquement dans le cursus de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA), ce qui contribuerait à renforcer le taux d’encadrement au sein des institutions municipales.
Le rôle du Gouverneur dans le contrôle et l’exécution des décisions municipales
Pour sa part, l’Association Kolna Tounes insiste sur l’importance du principe de libre administration qui contribuera à réduire les mécanismes de contrôle imposé d’en haut, notamment le contrôle préalable par le Gouverneur en tant que représentant de l’Autorité Centrale. Kolna Tounes affirme que le contrôle devrait être a posteriori et non pas préalable afin de garantir une neutralité, une indépendance et une liberté, pleines et responsables dans la gestion des affaires locales. Kolna Tounes insiste aussi sur le fait que la dissolution des Conseils municipaux par les Gouverneurs ne devrait se faire que par une décision de justice rendue par le Tribunal Administratif en cas de manquement aux obligations ou d’une incapacité totale à gérer les affaires municipales. Kolna Tounes estime qu’il est nécessaire que le Gouvernement s’engage à veiller à la mise en œuvre des décisions prises par les Conseils Municipaux à travers des circulaires à l’attention des Gouverneurs les incitant à exécuter les décisions municipales sans poser d’entrave à l’administration municipale.
Tekiano avec communiqué
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