Lors d’un point de presse organisé le 9 juillet 2018, Anouar Maarouf, ministre des Technologies de la communication et de l’Économie numérique a donné quelques éclaircissements concernant la situation précaire du numérique en Tunisie, la lenteur ou la quasi absence de réalisations et promesses durant les différents mandats des ministères précédents.
Il a en outre tenté de répondre aux problèmes liés à quelques institutions, à l’instar du Centre national de l’informatique (CNI) et de l’Agence de développement du numérique.
Rappelons que le conseil stratégique de l’économie numérique avait appelé, lors de sa cinquième réunion, tenue en mars 2018, à la création de l’Agence de développement du numérique (ADN) dont la principale mission sera d’accélérer la mise en œuvre des projets qui s’inscrivent dans la transformation numérique, notamment ceux liés à la digitalisation de l’Administration et à l’amélioration de l’infrastructure du numérique dans les régions.
Dans un communiqué datant du même mois, le syndicat de base du Centre national de l’informatique (CNI) relevant de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) exprimait son refus catégorique de la décision du Conseil stratégique de l’économie numérique de lancer l’Agence de développement numérique. Selon le syndicat, qui comparaît cette agence à un organe parallèle, il s’agissait d’«une menace à la survie des entreprises sectorielles publiques dans le domaine des TIC».
Elle est, par ailleurs, considérée comme «une tentative de spolier les données personnelles et sensibles sécurisées par le Centre national de l’informatique».
Suite à un diagnostic entrepris lors d’un workshop avec diverses parties prenantes du secteur des TIC, trois principaux problèmes semblent émerger, selon Anouar Maarouf qui a tenté d’expliquer cette situation.
Un problème structurant vis-à-vis du digital
Concernant les projets de la feuille de route stratégique, il n’y avait aucune ligne horizontale. Autrement dit, pas de véritable responsable ayant une légitimité, et ce malgré l’élaboration de la part du chef du gouvernement d’une stratégie et de divers comités de pilotages.
Un fonds des TIC qui ne profite pas aux TIC
Selon le ministre, le fonds des TIC va générer, cette année, aux alentours des 220 millions de dinars. Il est constitué d’une taxe de 5% du chiffre d’affaires annuelle, imposée aux trois opérateurs téléphoniques en plus des taxes habituelles. Celle-ci est également alimentée par l’ANF (Agence nationale des fréquences) qui vend des fréquences aux mêmes opérateurs.
Ces fonds ont pour objectif le développement des services liés au secteur du numérique (couverture des zones blanches, service universel, amélioration de l’infrastructure de base, numérisation de l’administration…), amenant à un cercle vertueux qui ne sera que bénéfique pour les opérateurs.
Seulement voilà: bien que ce fonds ait été créé à l’origine pour garantir une évolution pérenne du secteur des TIC, il est comptabilisé par l’Etat en tant que fonds spécial du trésor public. Compte tenu de la situation exceptionnelle par laquelle passe le pays, la moitié de cette somme est allouée au budget de l’Etat, tandis que l’autre moitié est attribuée pour la couverture des déficits des institutions publiques, tels que la Poste et l’Office national de télédiffusion.
Le ministre a déploré l’absence d’une machine d’exécution des projets nationaux qui utiliseraient ces fonds des TIC afin de moderniser le secteur et l’améliorer. Ainsi, seule une infime partie de ce fonds reviendrait au ministère pour le financement de projets, selon M. Maarouf qui déplore au passage la difficulté du process de la gestion de ce fonds qui est prévisionnel. «Cette somme entrante fait office de variable d’ajustement du budget de l’Etat. Sa réattribution devient donc plus difficile», ajoute le ministre qui rappelle également que cette procédure est tributaire de la loi des finances.
Absence de compétences face à des projets complexes de digitalisation
Ainsi, durant chaque cycle desdits projets, il faut des compétences spécifiques (conception, cahier des charges comprenant les besoins d’expression fonctionnels, techniques…). “On s’est aperçu que ces projets étaient élaborés par de simples cadres administratifs et non par des experts. Ils croulent sous des dossiers et peinent à les traiter”, a souligné le ministre, évoquant ici l’absence inhérente de compétences de gestion de projets ou comment le piloter de A à Z”.
Selon lui, «le CNI est un fournisseur de solutions techniques qui a recours à des développeurs qui, lors de la réalisation de projets à l’échelle nationale, ne passent pas nécessairement par des process rigoureux de gestion de projets en termes de besoins, d’expertise, de cahier de charges fonctionnel, etc. D’où le manque de standardisation de la plupart des solutions techniques à l’heure actuelle».
D’ailleurs, il a évoqué dans ce sens l’Agence de développement du numérique qui, en amont de la chaîne de valeurs, conceptualisera les besoins avant de les proposer au CNI.
«Ce centre est un modèle voulu pour externaliser les besoins du gouvernement. D’un côté, le CNI sera le centre de service de l’Etat tandis que l’ADN viendra dans les phases projets et n’aura aucun contact avec les données sensibles abritées dans les serveurs du CNI», a-t-il expliqué.
Pour finir, M. Maarouf émet quelques recommandations concernant l’ensemble d’un système qui est à refaire : centraliser les données, éliminer l’aspect hiérarchique, éliminer le côté bidouillage en termes de développement informatique en veillant à utiliser des outils de standardisation des données.
S.B.N
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